Mort de Zhang Chunqiao

Mort Zhang Chunqiao, un des membres de la "bande des quatre" de maoïste réputation ­ - c'est-à-dire une des figures passées à la poubelle de l'Histoire par le régime chinois aussitôt Mao Zedong décédé en 1976 ­ - est mort, le 21 avril, a annoncé l'agence Chine nouvelle mardi 10 mai. Il aura donc fallu trois semaines au régime chinois pour annoncer la nouvelle, signe de l'extrême sensibilité de cette disparition. Il restera de cet homme aussi singulier qu'effrayant au moins deux vignettes. La première, tirée du classique de Simon Leys, Les Habits neufs du président Mao (1971) : "Zhang Chunqiao reste à beaucoup d'égards un inconnu. Son apparence physique est typiquement celle d'un intellectuel shanghaïen ; il a les traits fins et délicats d'un homme de livres et d'un pur citadin." C'est aussi un dangereux individu. Né en 1917, apparatchik du journalisme d'Etat (fils lui-même d'un journaliste "progressiste" shanghaïen des années de guerre avant la victoire communiste de 1949), fait chef du département de la propagande à Shanghaï en 1963, Zhang a été l'un des acteurs-clés de la"révolution culturelle" dans la métropole de Chine orientale au pire moment de la terreur maoïste, entre 1966 et 1969. Idéologue au dernier point, il a fait son chemin jusqu'à Pékin, siège du pouvoir, et s'y est fait nommer tout à la fois vice-premier ministre ­ alors qu'il n'a aucune compétence en matière de gestion de l'Etat ­ et chef du département (alors crucial) de"politique générale" de l'armée. Il représente, dans les années 1970, ce qui se fait passer pour l'extrême gauche du pouvoir chinois, encore "révolutionniste" . PROCÈS TRUQUÉ Zhang Chunqiao fustige, dans des articles de la plus haute presse du régime, le "droit bourgeois" qui prévaudrait encore en Chine (alors qu'il n'y a plus aucun droit, même socialiste) ; et une tendance à l'"embourgeoisement" du Parti. Visage émacié, oreilles en feuilles de chou et menton décidé, il est de ces hommes qu'une partie décisive de la diplomatie française juge à même de porter les espoirs de la Chine de demain. La deuxième vignette à son sujet date de 1981. Moins de cinq ans après la mort de Mao, Pékin a mis en branle un procès-théâtre de quelques boucs émissaires, dont les"quatre" (la veuve Jiang Qing, un sous-fifre nommé Yao Wenyuan, un troisième couteau du nom de Wang Hongwen, très prisé de l'ambassade de France, et Zhang). Tous quatre avaient été embarqués dans un fourgon militaire peu après la mort du chef en septembre 1976, par ceux qui allaient faire la Chine moderne, celle qui alimente désormais les chroniques de l'actualité économique mondiale : Deng Xiaoping, le dauphin alors déconsidéré (et emprisonné), Ye Jianying, un vieil archi-maréchal des armées communistes chinoises, et Wang Dongxing, superbarbouze à la carrure d'un Molotov chinois. Traîné avec Mme Mao, en 1981, devant des juges de pacotille, Zhang Chunqiao se refuse à toute déclaration. Il exclut même d'accuser réception de l'acte qui l'accuse d'avoir tenté d'organiser un soulèvement armé à Shanghaï au lendemain de la mort de Mao (ce qui n'est pas exclu). Désormais affublé d'une fine barbiche qu'il semble avoir soignée, il écoute tout cela dans ce qui semble relever de la plus parfaite indifférence. Jusqu'à l'ultime seconde d'un procès évidemment truqué, on verra un homme de conviction extrême juger ses juges à l'aune de ses propres critères extrémistes. Le 25 janvier 1981, une "cour spéciale" communiste, à Pékin, a condamné Zhang Chunqiao à mort avec une "période probatoire de deux ans" , avec privation à vie de ses droits politiques. Jiang Qing est censée s'être suicidée dans sa cellule en 1991. Wang Hongwen est mort en détention en 1992. Yao Wenyuan a été relâché en 1996. Zhang Chunqiao n'a jamais parlé.