Mort d'Yves Lambert
Mort Yves Lambert, sociologue des religionsYves Lambert, sociologue des religions, est mort, lundi 28 août, à l'âge de 60 ans, après un combat de douze ans contre le cancer.Né le 16 mars 1946 à Marsais (Charente-Maritime), Yves Lambert suivit une formation d'ingénieur agronome et de sociologie, et obtint un doctorat de 3e cycle de l'Ecole des hautes études en sciences sociales (Ehess) en 1982 sous la direction de Pierre Bourdieu.Il débuta sa carrière en sociologie rurale à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), où il fut successivement assistant (1971), chargé de recherches (1976), puis directeur de recherches (1985). Se tournant très vite vers la sociologie des religions, il fut mis à disposition du CNRS dès 1993 et rejoint, lors de sa création en 1995, le Groupe de sociologie des religions et de la laïcité. C'est au sein de cette unité mixte de recherches EPHE-CNRS, qui s'appelle aujourd'hui Groupe sociétés, religions, laïcités, qu'il s'affirma comme un des sociologues français des religions marquants de sa génération.Dans son ouvrage Dieu change en Bretagne, la religion à Limerzel de 1900 à nos jours (Cerf, 1985), qui reste un classique toujours recommandé aux étudiants, Yves Lambert décrit et analyse avec minutie, dans ce village de la Bretagne rurale en état de chrétienté jusqu'à là fin des années 1950, la fin de la civilisation paroissiale. Tout en notant la baisse spectaculaire des pratiques traditionnelles, Yves Lambert s'attachait à montrer en quoi les paroissiens, loin d'être les sujets passifs de la sécularisation moderne, en étaient aussi d'actifs agents qui critiquaient et réélaboraient en même temps la religion dans un sens plus mondain. Il souhaitait réitérer cette enquête approfondie vingt ans après.Par la suite, Yves Lambert se consacra tout particulièrement à l'étude quantitative des évolutions des croyances et pratiques religieuses - notamment des jeunes. Il fut, en sociologie des religions, le spécialiste français incontesté des enquêtes européennes sur les valeurs qui, périodiquement, mesurent et comparent d'un pays à l'autre ces évolutions.Cela nous valut des contributions rigoureuses et abondamment citées aussi bien dans les revues spécialisées que dans des ouvrages collectifs (Les Valeurs des Français, sous la direction de Pierre Bréchon, Armand Colin, 2000, 2003).Jusque sur son lit d'hôpital, il continuait à travailler à un ambitieux projet : une sociologie comparée des religions allant du chamanisme aux religions monothéistes, en passant par les religions orales agraires et les religions polythéistes antiques.Membre de plusieurs sociétés scientifiques, dont l'Association française de sciences sociales des religions (qu'il présida de 1992 à 1998), la Société internationale de sociologie des religions, l'Association for the Sociology of Religion, l'Association pour la recherche sur les valeurs (dont il fut le cofondateur), Yves Lambert apportait, depuis 1993, une contribution active au comité de rédaction des Archives de sciences sociales des religions. Il participait volontiers à la formation des étudiants et des chercheurs, tant à Rennes qu'à Paris, et apportait avec générosité les éclairages de ses analyses à des publics très divers.