Mort d'Yves Benot
Mort Yves Benot, historien de la colonisation et de l'esclavage L'historien et journaliste Edouard Helman, connu sous son nom de plume d'Yves Benot, est mort lundi 3 janvier, à Paris. Il était âgé de 84 ans.Né le 23 décembre 1920, il a eu une vie et une carrière en dehors des chemins battus. Ses parents, juifs roumains réfugiés en France dès avant la première guerre mondiale, furent déportés le 29 octobre 1943 à Auschwitz, et immédiatement gazés. Yves Benot rejoignit alors la France libre en Angleterre en compagnie d'Armand Gatti. Après la Libération, tout en se liant aux milieux littéraires proches des surréalistes, il entama une carrière d'enseignant et de journaliste, d'abord au Maroc, où il fut professeur de français et collaborateur au journal de la CGT marocaine (Le Petit Marocain, puis Les Nouvelles marocaines) ; puis à Paris, où il collabora au second quotidien du Parti communiste, Ce soir, et aux Lettres françaises (de 1953 à 1956) ; enfin, il collabora longtemps à Afrique-Asie.L'essor du mouvement de décolonisation le conduisit en Guinée ex-française, où il fut enseignant de 1959 à 1962, puis au Ghana, où il fut directeur adjoint du Ghana Institute of Languages, de 1962 à 1964. Cette expérience africaine fut à l'origine de deux de ses ouvrages importants, Idéologies des indépendances africaines (Maspero, 1969) et Indépendances africaines. Idéologies et réalités (Maspero, 1975). De l'Afrique contemporaine, son intérêt s'est élargi à l'histoire de la colonisation et des fondements idéologiques de l'esclavage et de la conquête coloniale au XVIIIe siècle - son Diderot, de l'athéisme à l'anticolonialisme (Maspero, 1970) est devenu un classique.LA RÉVOLUTION AUX COLONIESEnfin, depuis les années 1980, Yves Benot s'est consacré à la période révolutionnaire aux colonies, sans renoncer à des sujets plus contemporains, comme Les Députés africains au Palais-Bourbon (Chaka, 1989) ou Massacres coloniaux (La Découverte, 1991). Trois ouvrages majeurs contribuèrent de façon décisive à faire entrer l'histoire des révolutions coloniales à l'intérieur même de la Révolution française et de son prolongement napoléonien : La Révolution et la fin des colonies (La Découverte, 1987), La Démence coloniale sous Napoléon (La Découverte, 1992), La Guyane sous la Révolution, ou l'impasse de la Révolution pacifique (Ibis rouge éd., 1997).Yves Benot a publié de nombreux articles dans des revues savantes de tout premier plan, et encore en 2004, à l'occasion du bicentenaire de l'indépendance d'Haïti, cette "Première République noire" qui lui tenait tant à cœur.La fondation, en 1991, de l'Association pour l'étude de la colonisation européenne 1750-1850 (Apece), dont il assura la présidence jusqu'à sa mort, se donnait pour objectif de réintégrer l'histoire de l'esclavage et des abolitions dans l'histoire générale du "siècle des révolutions".Son dernier livre, La Modernité de l'esclavage. Essai sur l'esclavage au cœur du capitalisme (La Découverte, 2003), restera comme la synthèse de son œuvre.Esprit farouchement indépendant, parfois vigoureusement polémique, Yves Benot n'a certes pas fait ce qu'il est convenu d'appeler une carrière universitaire. Il s'est même soigneusement tenu à l'écart de ce qu'il considérait comme le "conformisme académique", mais il a réalisé une œuvre, au plein sens du terme, ce qui est beaucoup plus important.