Mort de Wim Duisenberg

Mort Wim Duisenberg, un fédérateur bon vivant, mais peu communicant L'ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), Wim Duisenberg, 70 ans, a été retrouvé mort dans une villa à Faucon (Vaucluse).  Les causes du décès du premier président de la BCE, qui avait dirigé l'institution monétaire européenne entre mai 1998 et l'automne 2003, n'ont pas été précisées dans l'immédiat. Né le 9 juillet 1935 à Heerenveen (Pays-Bas), Wim Duisenberg avait présidé au succès de l'introduction de l'euro. Récemment, on l'avait entendu défendre la solidité de l'euro après la victoire du "non" à la Constitution européenne en France et aux Pays-Bas.A l'annonce de sa mort, le premier ministre français Dominique de Villepin a exprimé sa "grande tristesse". A la tête de la BCE, Wim Duisenberg "aura joué un rôle primordial dans la mise en place de la monnaie unique et dans la stabilité de l'euro", indique le chef du gouvernement dans un communiqué. Nous republions ici un portrait de Wim Duisenberg paru dans Le Monde du 3 octobre 2003. Entouré de journalistes venus du monde entier, Wim Duisenberg préside, le 29 décembre 2001, à Francfort, un déjeuner, point d'orgue d'un colloque assez formel sur la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE). A la surprise générale, il se lève au milieu du repas et déclare : "Je dois vous quitter, car ma maison de campagne en France, dans le Lubéron, m'attend." Il est comme cela, Wim Duisenberg. Lorsqu'il a quelque chose à dire, il ne s'embarrasse pas de préjugés, quitte à provoquer une mini-tempête monétaire, en octobre 2000, en écartant maladroitement l'idée d'une intervention sur le marché des changes en cas d'escalade dans le conflit au Proche-Orient. Certains expliquent cette franchise par ses origines. "Il a une manière typiquement néerlandaise de répondre de façon brève et tranchée, avec une maîtrise de l'anglais remarquable qui lui permet de répondre en trois mots en faisant parfois même une boutade, indique Christian Noyer, ancien vice-président de la BCE. Cela plaît aux publics nordiques, qui aiment les réponses claires et tranchées, mais moins aux publics latins ou anglo-saxons qui préfèrent les phrases plus compliquées, plus "greenspaniennes"". Dans son entourage professionnel, on apprécie ses qualités de fédérateur, d'homme de consensus. Lors de la première réunion du conseil des gouverneurs, il a exigé le retrait des panonceaux nationaux qui avaient été installés pour indiquer la provenance de chacun des gouverneurs. "Le conseil des gouverneurs est au service d'une institution européenne. Ses membres ne représentent pas les Etats-membres", a-t-il expliqué. "C'est un véritable chef d'équipe, reconnaît Jean-Claude Trichet, son successeur et actuel gouverneur de la Banque de France. Il anime très bien les débats et les discussions." "GENTLEMAN DILETTANTE" C'est d'ailleurs l'une des caractéristiques pour lesquelles ce professeur de macroéconomie, qui a été ministre des finances puis gouverneur de la banque centrale des Pays-Bas, a été choisi : "Les ministres des finances européens considéraient que la fonction devait être occupée par quelqu'un qui n'ait pas une position trop tranchée, se souvient Didier Reynders, ministre belge des finances. Lors des conseils des gouverneurs, il participe peu. Il est plutôt président de séance et résume la position en fin de réunion." Vis-à-vis des gouvernements, cet homme, qui a horreur de l'improvisation, a toujours été ouvert au dialogue, se montrant plus politique que son image ne le laisse supposer. "Je l'ai toujours vu avoir de bonnes relations avec les ministres français des finances successifs, indique Jean-Pierre Jouyet, directeur du Trésor français. Dans les réunions de l'Eurogroupe, ce n'est pas le plus doctrinaire, contrairement à ce que l'on croit. Il a un souci véritable de la collégialité." Seul "bémol" : "Il a des qualités d'écoute, mais vis-à-vis des gens qui vont lui apporter des informations pertinentes, constate-t-on en interne. Lors des réunions, il va tout de suite parler à quelques personnes très haut placées." Certains regrettent qu'il n'ait pas été plus attentif au "petit personnel", allant même jusqu'à demander aux importuns de descendre de l'ascenseur dans lequel il se trouvait. Au quotidien, cet homme de 68 ans n'est pas un bourreau de travail. A la banque centrale des Pays-Bas, on l'appelait le "gentleman dilettante". "C'est un homme qui compte aussi un peu trop sur son intelligence. Celle-ci l'a parfois sauvé alors qu'il ne connaissait pas les dossiers à fond", confie l'un de ses collaborateurs. Parfois perçu comme hautain en public, il se révèle, en privé, être un homme courtois, "d'un commerce agréable", "amateur de musique de chambre", "de cartes géographiques anciennes" mais aussi "de voitures qui vont très vite" . Bon vivant, Wim Duisenberg fume cigarette sur cigarette "même lors des réunions", et est amateur de bon vin et de whisky. Un penchant qui lui a parfois joué des tours, comme en 2000, lors de la fête de Noël de la banque, qui a été filmée. "Grippé et à moitié ivre, il a repris son discours à la page 2, alors qu'il en était à la page 5. Cela a duré une éternité", se souvient un participant. Nul doute que Wim Duisenberg s'en souviendra lors de la fête organisée pour son départ, le 22 octobre.