Mort de William Frank Buckley Trente-trois

Mort William Frank Buckley Trente-trois ans durant, William Frank Buckley, mort le 27 février à l'âge de 82 ans, avait dirigé l'un des débats télévisés les plus respectés aux Etats-Unis, "Firing Line" ("Sur la ligne de feu"). Tout ce que l'Amérique - et le monde anglo-saxon - comptait d'écrivains, de penseurs, d'historiens, de chercheurs mais aussi d'hommes politiques, d'artistes et de personnalités publiques y avait été invité. Interrogé pour savoir pourquoi on lui avait toujours refusé de s'y rendre, l'écrivain Gore Vidal avait répondu : "Parce que je n'aime pas beaucoup le fascisme." William Frank Buckley en quelquyes dates 24 novembre 1925 : Naissance à New York 1955 : Fonde la "National Review" 1966 : Lancement de l'émission télévisée "Firing Line" 27 février 2008 : Mort à Stamford (Connecticut) [-] fermer William Buckley n'était pas un fasciste dans le sens historique du terme. Lui défendait la démocratie telle qu'elle est conçue par nombre d'Américains. Mais il était l'une des plus brillantes figures intellectuelles de l'ultraconservatisme. Au lendemain de son décès, de multiples réactions, favorables ou hostiles à ses idées, ont souligné son rôle historique prépondérant. "Sa plus grande réussite, a écrit le New York Times, est d'avoir rendu le conservatisme, pas seulement électoral, mais en tant que système idéologique, respectable dans l'Amérique progressiste de l'après- seconde guerre mondiale." Son credo, qu'il revendiquait sans complexe comme "réactionnaire", était fondé sur l'idée de la supériorité de la civilisation judéo-chrétienne (lui-même était profondément catholique) et le primat de la liberté individuelle sur tout autre droit ou principe. Son offensive idéologique a débuté par la critique du New Deal adopté par Franklin Roosevelt pour sortir de la Grande Dépression. L'Etat, prône-t-il alors, n'a pas à intervenir dans l'économie, en aucune circonstance. Il est contre l'impôt sur le revenu, contre toute régulation contraignante, contre le féminisme aussi. En 1951, à 26 ans, il faisait sensation en publiant un pamphlet - Dieu et l'Homme à l'université de Yale : les fausses croyances de la liberté académique. Il y exigeait le renvoi des mal pensants "antiaméricains", tous assimilés aux "communistes". Il n'allait plus jamais cesser, évoquant son admiration pour le régime du général Franco en Espagne, publiant en 1954 un long plaidoyer en faveur du sénateur Joseph McCarthy et de sa chasse aux sorcières, mobilisant en faveur du candidat de la droite républicaine Barry Goldwater à la présidentielle en 1964. A 30 ans, il fondait la National Review, qui allait devenir l'organe idéologique majeur des nouveaux conservateurs. Il provoquait très vite un scandale en justifiant la ségrégation raciale. Face au tollé, il s'explique : sa position ne relève pas du racisme, dit-il, il est également d'accord pour que les Blancs incultes soient exclus du droit de vote... D'ailleurs, il honnit l'antisémitisme. En 1964, il lance le mouvement Jeunes Américains pour la liberté, que beaucoup considèrent comme le précurseur des néoconservateurs actuels. La plupart de ceux qui formeront l'ossature de la Maison Blanche sous la présidence de Ronald Reagan (1981-1989) étaient passés par ce mouvement. D'extrême droite, certes, M. Buckley n'était pas que cela. Erudit, charmeur, pédant au langage maniéré, il était également un original, curieux de tout et profondément "anti-establishment". Réactionnaire mais aussi libertaire : candidat à la mairie de New York, en 1965, il fait campagne pour la dépénalisation du haschisch. Liberté individuelle d'abord ! Surtout, son émission est ouverte à tous. A ses amis politiques d'abord : Ronald Reagan, Margareth Thatcher, les économistes ultralibéraux Friedrich von Hayek ou Milton Friedman, l'ex-espion du KGB Whittaker Chambers, devenu un anticommuniste délirant, le penseur Norman Podhoretz. A ses adversaires aussi, et sans préjugés : les écrivains Norman Mailer, William Styron ou Allen Ginsberg, le linguiste Noam Chomsky, le boxeur Mohammed Ali et l'ex-dirigeant des Panthères noires Huey Newton. Et mille autres : il mènera, en tout, 1 504 interviews ! Et graphomane, en plus : 50 livres, des essais idéologiques comme des romans policiers, des milliers d'articles. John Judis, son biographe, l'avait surnommé "le saint patron du conservatisme", Arthur Schlesinger "le réactionnaire favori des progressistes". Dans la période récente, il avait tourné casaque sur la guerre américaine en Irak, qu'il jugeait finalement erronée. Et il ne cachait pas son mépris pour la chaîne de télévision américaine Fox, qui se revendique de ses idées. Il déclarait récemment que cette chaîne ramène la qualité du débat "au niveau zéro".