Annonce Volte-face du ministre de la culture et confusion maximale lors du débat au ParlementLe débat parlementaire à propos du projet de loi sur les droits d'auteurs dans la société de l'information a connu un coup de théâtre, mercredi 8 mars. Renaud Donnedieu de Vabres, le ministre de la culture et de la communication, annonçait en toute fin de soirée la réintroduction de l'article-1er, dont il avait deux jours plus tôt demandé le retrait. Au risque de "sombrer dans le ridicule", comme l'a mis en garde Patrick Bloche (PS, Paris). Mais le gouvernement a préféré ce risque à celui de l'inconstitutionnalité.En effet, le Conseil constitutionnel semble avoir lui même envoyé un signal d'alerte au gouvernement sur le développement de la discussion du texte, et notamment de son article 1er. Le ministre de la culture s'est vu, de plus, reprocher la manière dont il avait indiqué, par une simple lettre transmise lundi à la présidence de l'Assemblée, vouloir retirer de la discussion cet article du projet de loi, mettant ainsi le Parlement devant le fait accompli.Lors du premier examen de l'article, le 21 décembre 2005, des députés de tous bords, y compris de l'UMP, avaient voté deux amendements ouvrant la voie à la licence globale - qui reviendrait à légaliser le téléchargement de musique sur internet à usage privé moyennant une contribution forfaitaire des internautes. Ce premier revers du ministre l'avait obligé à suspendre pendant deux mois et demi l'examen du texte, afin qu'il puisse être retravaillé et amendé.Après avoir engagé de nouvelles consultations, M. Donnedieu de Vabres pensait avoir trouvé un point d'équilibre. Plutôt que de demander une nouvelle délibération sur l'amendement litigieux, il a préféré retirer purement et simplement l'article 1er du texte initial pour lui substituer, sous forme d'amendement, une nouvelle rédaction. Cette procédure, qui lui avait été recommandée par le président du groupe UMP, Bernard Accoyer, devait éviter de contraindre les députés frondeurs de sa majorité à se déjuger.Jean-Louis Debré, qui présidait la séance du mardi 7 mars, au cours de laquelle reprenait la discussion du projet de loi, devait se charger lui-même de justifier la procédure et sa conformité au règlement de l'Assemblée. Le gouvernement peut en effet, en application de son article 84, retirer "à tout moment" de la discussion tout ou partie de projets de loi "jusqu'à leur adoption définitive par le Parlement".PRÉROGATIVES DES DÉPUTÉSCette procédure, déjà utilisée par le passé, a été validée par une décision du Conseil constitutionnel du 26 juillet 1984. Pour M. Debré, le fait que l'examen de l'article ait déjà commencé et que des amendements aient déjà été adoptés ne faisait pas obstacle à son retrait, le nouvel amendement du gouvernement étant considéré comme "une solution alternative".Mais le Conseil constitutionnel a également, dans un passé récent, alerté sur le nécessaire respect du droit d'amendement du Parlement et sur la "sincérité" des textes soumis à la discussion. Une doctrine à laquelle entendaient se référer les députés du PS dans le recours dont ils avaient annoncé leur intention de déposer. Ce qui explique l'extravagant virage à 180 degrés qu'a dû effectuer le ministre de la culture.Du coup, les députés se sont déchaînés. Didier Migaud (PS) a fustigé "l'amateurisme et l'improvisation" du ministre. Le président de l'UDF, François Bayrou a lancé : "l'Assemblée ne peut pas ainsi accepter d'être une marionnette". Cette situation a été qualifiée pour le moins "d'innovante" mais de "régulière" par le président de séance, René Dozière (PS) et vice-président de l'Assemblée nationale. Le ministre a expliqué sa volte-face par un "souci de clarté et de transparence absolue" ainsi que son "respect des prérogatives des députés".Cette annonce "du retrait du retrait", comme l'a qualifié Christian Paul (PS, Nièvre) est intervenue alors qu'une belle cacophonie régnait depuis le début de soirée. Le ministre affirmait que les députés avaient "dans leurs casiers" la copie d'un accord signé le jour même par l'Education nationale, pour justifier de ne pas introduire dans son texte une nouvelle exception pour copie privée. Finalement, le document n'a été porté à la connaissance des parlementaires qu'après de nombreux rappels au règlement et incidents de séance. Vers 1 heure du matin, le président de séance a préféré suspendre les débats.Dans une lettre adressée, jeudi matin, à Dominique de Villepin, le président du groupe PS, Jean-Marc Ayrault, demande que soit mis un terme à la "mascarade". Dénonçant l'"humiliation inacceptable" infligée au Parlement, le député de Loire-Atlantique recommande au premier ministre de "suspendre l'examen de ce texte et d'accepter la constitution d'une mission parlementaire afin de poursuivre le débat".
