Mort de Vladimir Tretchikov
Mort Vladimir Tretchikov, artiste d'origine russeL'artiste d'origine russe Vladimir Tretchikov est mort vendredi 25 août, à l'âge de 92 ans, en Afrique du Sud.Tenant de la plus kitsch des esthétiques, ce peintre millionnaire est totalement absent des ouvrages de référence sur l'art du XXe siècle, mais ses portraits de beautés balinaises et ses peintures de fleurs ont attiré dans les années 1950 et 1960 des centaines de milliers d'amateurs. Il est notamment l'auteur d'un dessin, intitulé Chinese Girl, qui fut diffusé à des millions d'exemplaires à travers le monde. Représentant une jeune femme au visage bleu réveillé de lèvres rouge sang, cette image peut être considérée comme un audacieux défi au bon goût. Ce qui ne l'empêche pas d'être plus populaire que la Joconde, et à peine moins que le Guernica de Picasso, selon le site Internet qui fait la promotion de son oeuvre.Mais le chef-d'oeuvre de Vladimir Tretchikov, ce fut peut-être sa vie, des plus rocambolesques. Né en Sibérie en 1913, Vladimir Tretchikov fuit la révolution russe avec ses parents. Dès l'adolescence, il débute sa carrière d'autodidacte en croquant les dignitaires d'une compagnie de chemins de fer. Il passe quelques années à Shanghaï en tant que dessinateur de presse. Puis c'est Singapour, et le début de la reconnaissance internationale, grâce à une commande d'IBM.Artiste attaché à la propagande du ministère britannique de l'information, il se fait une jolie renommée grâce à ses portraits de Javanaises, avant que n'éclate la guerre du Pacifique. Il fuit le conflit dans un bateau qui, attaqué, coule, et le voilà embarqué sur un canot de sauvetage. Brinquebalé 19 jours sur les flots, il atteint enfin les côtes de Java, mais l'île est aux mains des Japonais, qui le placent aussitôt dans un camp de prisonniers."RÉALISME SYMBOLIQUE"A la fin de la seconde guerre mondiale, il rejoint l'Afrique du Sud. Ses innocentes peintures de fleurs, très réalistes, lui valent un beau succès ; les Sud-Africains se pressent à ses expositions, jusqu'à ce que sa toile Black and White ne soulève la controverse : représentant un visage mi-noir mi-blanc, elle déplaît profondément à cette société de violent apartheid.C'est aux Etats-Unis qu'il remporte ses succès les plus définitifs, dans les années 1960, quand la confrérie des rose-croix de Californie l'invite à une tournée américaine. A San Francisco, son succès dépasse celui de Picasso et Rothko. Au final, près d'un million d'Américains découvrent ses peintures.Toute sa vie, Vladimir Tretchikov resta indifférent aux sarcasmes des critiques d'art, qui évoquaient son oeuvre comme "l'art pour les gens qui haïssent l'art", souligne le Times du 28 août. Autoproclamé "artiste sincère", il rejeta avec constance le label de kitsch, pour lui préférer celui de "réalisme symbolique".Ses références en peinture mêlent culture populaire russe et lignes asiatiques. Mais son modèle dans le domaine est plutôt à chercher, selon ses dires, du côté des portraits de chiens réalisés par le politicien britannique Winston Churchill, avec qui il partageait "un même amour de la peinture". Sa devise ? "L'art peut toucher le coeur des gens, mais le kitsch rend riche."