Visite Visite difficile du président polonais Lech Kaczynski à BerlinAvant sa visite de travail à Berlin, qui a commencé mercredi 8 mars, le nouveau président polonais, Lech Kaczynski, ne s'était jamais rendu en Allemagne autrement qu'en transit à l'aéroport de Francfort. Le dirigeant conservateur, dont le parti Droit et Justice (PiS) vient de s'allier aux populistes et aux intégristes catholiques pour sauver son gouvernement minoritaire, a pourtant des idées très arrêtées sur son grand voisin allemand. Il le qualifia un jour de "plus grand danger" pour la Pologne avec la Russie. "Lorsqu'on regarde les manuels d'histoire, on peut l'affirmer. Je ne vois toutefois pas un tel danger dans la période actuelle", a déclaré M. Kaczynski dans un entretien au canon publié à la veille de son arrivée par l'hebdomadaire Der Spiegel.M. Kaczynski y expose ses griefs contre l'Allemagne mais aussi contre l'Union européenne, à laquelle son pays a adhéré en mai 2004. Marquant son opposition à une plus grande intégration européenne, il récuse notamment l'émergence d'une politique extérieure commune, qui, dit-il, ne servirait que les intérêts des trois grands (Allemagne, France, Grande-Bretagne).CONTRE LE GAZODUC NORD-EUROPÉENL'ancien maire de Varsovie n'a pas de mots assez durs pour dénoncer la construction d'un gazoduc reliant directement la Russie à l'Allemagne par la mer Baltique, au lieu de traverser les Etats baltes et la Pologne. Pour M. Kaczynski, ce choix, "en contradiction fragrante avec les intérêts polonais", ne se justifie pas d'un point de vue économique. Il s'agit donc d'une "décision politique" qu'il n'a cessé de réprouver depuis l'accord conclu en septembre 2005, avec la bénédiction du président russe Vladimir Poutine et de l'ex-chancelier Schröder. Celui-ci est aujourd'hui à la tête du comité d'actionnaires du consortium en charge du gazoduc, qui associe le géant russe Gazprom (à 51 %) et les compagnies allemandes Basf et E.ON.En totale opposition avec Berlin, qui privilégie une approche de partenariat avec Moscou sur les questions énergétiques, M. Kaczynski a lancé depuis l'idée d'un traité de sécurité énergétique au niveau de l'UE et de l'Alliance atlantique. Il prévoirait une réponse commune en cas de menace sur les livraisons de pétrole ou de gaz, comme ce fut le cas en janvier, après l'arrêt des livraisons de gaz russe à l'Ukraine.La chancelière Angela Merkel, qui s'est déjà rendue en Pologne après avoir accédé en novembre à la tête du gouvernement allemand, a souvent reproché à son prédécesseur, Gerhard Schröder, de n'avoir pas suffisamment pris en compte, dans ses relations avec Moscou, les appréhensions polonaises. Elle n'a cependant pas remis en cause le gazoduc. En décembre, Mme Merkel avait évoqué la possible ouverture du projet à des intérêts tiers. De source polonaise, on indique que le groupe de travail créé depuis à cet effet n'a pas encore donné de résultats.M. Kaczynski a également rappelé, avant d'arrriver à Berlin, son opposition à la création à Berlin d'un centre de mémoire sur la question des 13 millions d'Allemands expulsés d'Europe de l'Est à la fin de la seconde guerre mondiale. Ces dernières années, la fédération regroupant les associations d'expulsés (les Vertriebene) et de leurs descendants a provoqué des inquiétudes en Pologne et en République tchéque en réouvrant un chapitre de la guerre longtemps refoulé outre-Rhin parce que présentant les Allemands dans le rôle de victimes. Mme Merkel, soutient le projet de centre de mémoire tout en soulignant qu'il ne doit pas conduire à, "relativiser" la culpabilité de l'Allemagne nazie. C'est précisément ce que craint M. Kaczynski, qui a qualifié le projet de centre de "très mauvaise proposition".La chrétienne-démocrate Erika Steinbach, présidente de la Fédération des expulsés, aprécisé au Monde, mardi, qu'un tel centre traiterait du sort de "tous les expulsés d'Europe, et pas uniquement ceux d'Allemagne". Elle attend désormais une proposition concrète du gouvernement fédéral. Dans leur traité de coalition, les partenaires chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates, qui ne sont pas d'accord sur le sujet, se sont contentés de dire qu'un "signe visible" devait voir le jour à Berlin pour rappeler le sort des Vertriebene.
