Annonce Vingt-trois athlètes pris la main dans de «vieux» dopants Malgré 3000 contrôles, aucun nouveau produit n'a été détecté. «Je suis très satisfait des avancées en matière de lutte antidopage. On a testé un athlète sur quatre à Athènes et on en a démasqué 24, le double de Sydney.» Ce bilan très enthousiaste brossé hier matin par Jacques Rogge, le président du Comité international olympique (CIO), est un peu (trop) optimiste. On a beaucoup parlé de dopage lors de ces Jeux où, pour la première fois, le code mondial antidopage s'appliquait aux 28 disciplines. Retour sur les nouveautés de la quinzaine. Y a-t-il eu plus de contrôles ? Oui. A Sydney, il y avait eu 2 052 tests après les compétitions et 404 hors compétition. A Athènes, on a atteint 3 000 contrôles en tout, dont 2 600 après les compétitions. La nouveauté est aussi qualitative, avec l'introduction de tests sanguins. Cinquante ont été réalisés postcompétition et 385, associés aux tests urinaires, en précompétition. Les tests sont-ils plus efficaces ? Non. Du moins pas pendant les compétitions elles-mêmes. A Sydney, 12 athlètes ont été testés positifs. Ils sont 11 à Athènes. Pour dépasser la vingtaine de cas, il faut ajouter les positifs contrôlés avant l'ouverture des Jeux. «La Fédération internationale d'haltérophilie a testé ces derniers mois 260 athlètes : un effort gigantesque», raconte Patrick Schamasch, président de la commission médicale du CIO. Elle a ainsi annoncé, le 19 août, 5 cas positifs d'un coup. Qu'est-ce qui a changé ? Pour la première fois, des athlètes ont été exclus pour violation des procédures de contrôle, une disposition du code mondial antidopage. Le Hongrois Robert Fazekas, médaille d'or du lancer du disque, a ainsi été exclu pour avoir tenté de donner un échantillon d'urine «propre», contenue dans un miniréservoir placé dans le rectum. Son compatriote Adrian Annus, médaille d'or du marteau, soupçonné de la même supercherie, a été dégradé hier. Rentré en Hongrie, il avait jusqu'à vendredi pour fournir un échantillon d'urine afin d'en comparer l'ADN. Il n'a pas donné suite. L'haltérophile hongrois Zoltan Kovacs avait carrément refusé de se soumettre au test. Le CIO compte aussi les fameux cas Kenteris et Thanou, les sprinteurs grecs contraints de renoncer aux Jeux après leur défection rocambolesque à un contrôle au village olympique, à deux jours du début des JO. En fait, aucune sanction n'est encore prise contre eux. La Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) a ouvert une enquête qui devrait aboutir à une suspension. «Le règlement de l'IAAF est moins sévère que celui du CIO, précise un expert. Il faut trois non-présentations au contrôle sur une période de dix-huit mois pour être sanctionné. Or Kenteris, qui avait manqué un contrôle au Qatar en 2001, avait attiré l'attention sur lui. Il a raté depuis 2003 un contrôle de l'IAAF à Tel-Aviv, le contrôle de Chicago confié à l'AMA, l'Agence mondiale antidopage, avant les Jeux et celui de l'Athoc, à Athènes.» A-t-on trouvé des produits inédits ? Non. Aucun nouveau test sanguin dépistant l'hormone de croissance, l'hémoglobine de synthèse ou l'hétérotransfusion n'a été positif. «Les échantillons sont congelés et gardés huit ans. Ils seront retestés au fur et à mesure de la découverte de nouvelles méthodes de dépistage», explique Jacques Rogge. Le «dopage du pauvre» est-il le seul qui soit traqué ? Oui, même si les responsables du CIO s'en défendent. Sur le podium des substances retrouvées, les stéroïdes anabolisants occupent la première marche, devant les stimulants et les diurétiques. La médaille d'or était la même à Sydney, et le bronze et l'argent inversés. Il s'agit là du «dopage du pauvre», décelable depuis des dizaines d'années. Andrew James Brack, le joueur de base-ball grec, ou la médaille d'or du poids, la Russe Irina Korjanenko, sont positifs au stanozolol, le stéroïde utilisé par Ben Johnson à Séoul en 1988. Le Dr Jean-Pierre de Mondenard, auteur du Dictionnaire du dopage, se souvient que cette substance était déjà au coeur d'une affaire sur le Tour de France en 1976. «Il faut être arrogant ou idiot pour se doper au stanozolol», a tranché Dick Pound, le président de l'AMA. Il ne pense pas si bien dire, car les contrôles n'attrapent que les imbéciles ou ceux qui n'ont pas accès aux produits indécelables. «Les athlètes prennent des risques en privilégiant des produits efficaces et pas chers», avance Patrick Schamasch, du CIO, persuadé que les nouveaux dopants indécelables seraient «en infime quantité». Un avis très contesté. «L'absence d'hyperventilation de nombreux coureurs évoque l'usage de transporteurs d'oxygène avec des facteurs de croissance pour alléger les silhouettes», s'inquiète le Dr François Poyet, responsable du centre antidopage d'Auvergne. Quant à la nationalité des athlètes positifs, on ne trouve aucun pays riche. Les anciens pays de l'Est sont surreprésentés, aux côtés de la Grèce, suivis par des pays du tiers-monde. Les médailles retirées, c'est nouveau ? Non. La nouveauté est dans la diligence des sanctions. A Sydney, trois médailles d'or, une d'argent et deux de bronze ont été retirées pour dopage. Mais l'affaire a pris jusqu'à deux ans, à l'issue des recours, pour l'haltérophilie. A Athènes, ce fut immédiat et donc spectaculaire. L'haltérophile grec Leonidas Sampanis, positif à la testostérone, s'est vu retirer sa médaille de bronze dès le 21 août. Six autres athlètes ont suivi, la dernière étant la Colombienne Maria Luisa Calle Williams, déchue hier du bronze obtenu à la course aux points sur piste.