Annonce Vent de racisme meurtrier en Russie Lundi 24 avril, un ressortissant tadjik a été tué à coups de couteau, en plein jour, dans un quartier du nord-est de Moscou. Deux jours plus tôt, c'est un Arménien de 17 ans, Viguen Abramiants, qui était poignardé à mort au beau milieu de l'après-midi, sur le quai de la station de métro Pouchkinskaïa, au centre de la capitale russe. L'avant-veille, à Saint-Pétersbourg, un étudiant indien, Andjangi Kishore Komaru, 23 ans, avait survécu par miracle à une attaque au couteau alors qu'il sortait de chez lui. Quel vent de folie souffle sur la Russie, où ces meurtres à caractère raciste sont commis à intervalle de plus en plus rapproché ? A chaque fois, les agresseurs - des néonazis - ne sont jamais pris sur le fait. Dans le cas du jeune Arménien, la bande de jeunes crânes rasés et blousons noirs qui se sont jetés sur lui a pu reprendre le métro sans que personne ne réagisse. Quand, lundi, deux Tadjiks se sont fait agresser dans le nord-est de Moscou, les jeunes se sont volatilisés. Les secours n'ont pas été appelés. Un automobiliste russe qui passait par là a recueilli les deux victimes. L'une est morte sur le trajet de l'hôpital. Quant au quatre Tsiganes tués à Volgograd et à Pskov les 14 et 17 avril, les médias n'en ont même pas fait mention. Si leur issue est souvent mortelle - 10 morts et une victime dans le coma depuis le début de l'année -, ces attaques ne soulèvent guère l'émotion de l'opinion publique et laissent muets les milieux politiques. Au moment où le pays s'apprêtait à célébrer la Pâque orthodoxe, les ressortissants étrangers au physique non slave se donnaient le mot : ne sortir à aucun prix jeudi 20 avril, jour anniversaire de la naissance d'Adolf Hitler, de peur d'être pris dans l'une des chasses à l'homme organisées par les néonazis. Deux jours après l'agression mortelle de Viguen Abramiants, la police a annoncé l'arrestation de son assassin, mais ses neuf complices courent toujours. La police et les juges seront-ils aussi peu enclins que par le passé à qualifier ces crimes de "racistes" ? En février, sept adolescents jugés par une cour d'assises de Saint-Pétersbourg pour l'assassinat d'une fillette tadjike de 9 ans, Khourcheda Soultanova, tuée un an plus tôt de onze coups de couteau, ont été condamnés à des peines minimes (de dix-huit mois à cinq ans de prison). En dehors de ces crimes évoqués par les médias, une cohorte d'agressions sont tues parce qu'elles se produisent dans la "gloubinka" (la province éloignée). Dans un rapport publié en décembre 2005, le centre de recherche Sova (sur la xénophobie et les crimes racistes) rapporte des pogroms déclenchés, en août, contre des Tsiganes installés dans des baraquements de fortune à Rakhia (région de Saint-Pétersbourg) et à Iskitim (région de Novossibirsk). Attaqué à trois reprises en 2005 - en février, en avril et en novembre -, le village tsigane d'Iskitim a vu ses habitations de fortune brûlées. Une fillette de 8 ans a succombé à ses brûlures. Il y a aussi les assassinats ciblés. Comme celui, le 7 avril, de Lanzar Amba, étudiant sénégalais de Saint-Pétersbourg et défenseur des droits des Africains de Russie, tué d'un coup de fusil à bout portant, en pleine rue. Ou comme celui, un an plus tôt du professeur Nikolaï Guirenko, un expert des groupuscules néonazis russes, criblé de balles à travers la porte de son domicile. Désormais, les militants antinazis ont peur et, le 11 avril, les jeunes qui ont manifesté à Saint-Pétersbourg contre la montée de la xénophobie l'ont fait en se couvrant le visage de masques et d'écharpes, le bruit ayant couru que les groupuscules nazis prenaient des photos qu'ils diffusaient ensuite sur leurs sites accompagnées d'appels au meurtre. Non seulement ces sites néonazis ne sont pas inquiétés, mais leurs propos sont relayés par certains hommes politiques. Récemment, Sergueï Babourine, député de la Douma, a expliqué, sur la chaîne NTV, que le vrai problème était celui des agressions perpétrées par des étrangers contre des citoyens russes et non l'inverse. Evoquant l'incursion d'un jeune néonazi dans une synagogue de Moscou le 11 janvier (8 blessés à l'arme blanche), le député a cru bon de préciser qu'après tout, "les premiers coups de couteau avaient été portés à un citoyen tadjik". Et que dire des appels lancés en 2005 par les députés de la Douma pour l'interdiction des organisations juives, soupçonnées de "pactiser avec le diable" ? Que dire encore de la déclaration du maire de Moscou, Iouri Loujkov, lequel, alors que le toit du marché couvert Basmanny de Moscou venait de s'écrouler, le 23 février, tuant 63 vendeurs (45 Azéris, 9 Géorgiens, 6 Tadjiks, 3 Ouzbeks), s'est empressé de déclarer qu'il "n'y avait là aucun Moscovite" ? Pour Nikita Belykh, chef de l'Union des forces de droite (SPS, libéral), "le pouvoir en place a besoin des fascistes pour offrir au pays un choix simple lors des élections de 2007 et 2008 : "C'est eux ou nous"".