Annonce Vache folle  : le risque de transmission par médicaments est infime En France, environ 50 000 personnes ont été traitées par des produits fabriqués grâce au sang de deux personnes touchées par la maladie. Les autorités sanitaires estiment que la probabilité de contamination, quasi nulle, n'exigeait pas d'informer la majorité des patients concernés. Aucun doute n'est plus permis : il s'agit là de l'un des dossiers les plus délicats, les plus douloureux et les plus difficiles parmi tous ceux dont ont la charge, en France et en Grande-Bretagne notamment, les responsables des questions sanitaires et éthiques. Vingt ans après la découverte d'une possible contamination des dons de sang par le virus du sida, ces autorités sont, depuis peu, confrontées à la question de la contamination potentielle de ces dons par le prion pathologique, cet agent transmissible non conventionnel responsable des formes animales et humaines de la maladie de la vache folle. Au terme de plusieurs mois de travaux et d'échanges documentés sur le sujet, une première série de décisions vient d'être prise. Elles devaient être rendues publiques, dans la matinée du lundi 28 février, par William Dab, directeur général de la santé (DGS), et Jean Marimbert, directeur de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). L'hypothèse d'une transmission par voie sanguine du prion pathologique à l'origine de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) et de la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (vMCJ) n'est pas nouvelle. C'est d'ailleurs sur cette base que les autorités sanitaires britanniques et françaises - mais aussi américaines et canadiennes - ont, depuis une dizaine d'années, pris un ensemble de mesures au titre des principes de prévention et de précaution. Deux nouveaux éléments ont toutefois, ces derniers mois, dû être pris en compte. Tout d'abord une publication, signée dans les colonnes de l'hebdomadaire britannique The Lancet par un groupe de chercheurs français dirigés par Corinne Ida Lasmézas, responsable du département de recherche médicale au Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Cette équipe expliquait en substance que le prion pathologique responsable des formes animale et humaine de la maladie de la vache folle pouvait se transmettre par voie sanguine (Le Monde du 11 février 2004). Il y a eu également l'identification par les autorités sanitaires britanniques - en 2003 et 2004 - de deux cas hautement vraisemblables de contamination d'homme à homme de l'agent de la vMCJ, via des administrations de produits sanguins. D'initialement "possible", une telle transmission est progressivement devenue "probable". C'est dans ce contexte que le système de surveillance et de veille sanitaires a, en France, constaté que les deux dernières personnes victimes de la vMCJ avaient, à de nombreuses reprises, donné leur sang avant que n'apparaissent chez elles les premiers symptômes de cette maladie neurodégénérative. La première avait ainsi effectué des dons entre 1993 et 2003 et la seconde entre 1984 et 2002. Cette nouvelle donne a conduit les autorités sanitaires françaises à prendre une série de nouvelles et importantes décisions. Elles rappellent qu'elles font d'emblée une différence entre l'usage thérapeutique qui a pu être fait des produits directement "transfusionnels" - on parle ici de "produits sanguins labiles" (PSL) - et celui des "médicaments dérivés du sang" (MDS). En pratique, les personnes qui, en France, ces dernières années, ont reçu des PSL provenant des deux donneurs atteints ont d'ores et déjà dû être informées par leur médecin, ou sont sur le point de l'être. Deux des neuf personnes concernées n'ont cependant pas encore été retrouvées. Ces neuf personnes sont aussi désormais exclues du don d'organe, de tissu et de cellules. La situation est totalement différente pour ce qui est des MDS, qu'il s'agisse du risque potentiel de contamination par le prion pathologique mais aussi de l'ordre de grandeur du nombre des personnes ayant reçu ces médicaments à partir de 1993. Fabriqués par le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), ces médicaments sont obtenus par des procédés intégrant plusieurs étapes de sécurisation. Les autorités sanitaires estiment que leur efficacité a été scientifiquement prouvée pour ce qui est de l'élimination du prion pathologique responsable de la vMCJ. Pour améliorer cette efficacité, le LFB a ajouté une nouvelle étape de sécurisation, la nanofiltration. Le système de traçabilité et de vigilance mis en place depuis les affaires du sang contaminé permet d'identifier tous les lots de médicaments fabriqués à partir du sang d'une personne. Par ailleurs, les établissements de soins et les officines pharmaceutiques doivent garder trace de l'identité des personnes auxquelles ces médicaments ont été prescrits. En se fondant sur les consommations moyennes, les responsables du LFB estiment à environ 50 000 le nombre des personnes aujourd'hui concernées, c'est-à-dire ayant été traitées de manière plus ou moins régulière avec des médicaments dans la fabrication desquels le sang de l'un des deux malades atteints de vMCJ a été utilisé. Ce nombre élevé résulte des processus dits de "poolage" mis en œuvre lors de la fabrication. Les autorités sanitaires distinguent ici les receveurs chroniques des receveurs occasionnels. Le nombre des premiers est estimé à près de 2 000 : il s'agit de malades souffrant des deux formes d'hémophilie ou de certaines formes de déficit immunitaire. Chez les receveurs occasionnels, ce sont avant tout des personnes ayant reçu de l'albumine qui sont concernés (environ 20 000) ainsi que des femmes enceintes ayant accouché d'un enfant dont le groupe sanguin était différent du leur (environ 9 000), et des malades traités par différentes formes d'immunoglobulines (environ 17 000). Après une longue réflexion et de nombreuses consultations, dont celle du comité consultatif national d'éthique, les responsables sanitaires français ont choisi de ne délivrer une information individualisée qu'aux hémophiles, compte tenu notamment du souhait exprimé par l'Association française des hémophiles. En revanche, aucune information personnalisée ne sera délivrée aux receveurs occasionnels. Les autorités sanitaires fondent leur décision sur l'absence de risque avéré et la très grande sécurisation des procédés de fabrication. Elle tient également compte du fait qu'une telle information, qui ne pourrait déboucher sur aucune mesure particulière de prévention, serait de nature à inquiéter inutilement les 50 000 personnes concernées. Jean-Yves Nau Deux types de receveurs concernés Les enquêtes menées récemment par les autorités sanitaires permettent aujourd'hui de cibler les différents groupes des personnes qui, depuis 1993, ont reçu des médicaments dérivés du sang provenant des deux malades atteints par la vMCJ. Les receveurs occasionnels. Il s'agit avant tout de malades ayant reçu de l'albumine (environ 20 000 personnes), de personnes ayant reçu des immunoglobulines antitétaniques (13 000) de femmes de groupe sanguin RhD négatif ayant accouché d'un enfant RhD positif (environ 9 000), de patients souffrant de diverses formes de maladies auto-immune et traités par des immunoglobulines (environ 2 000), de personnes ayant reçu des immunoglobulines anti-hépatite B à titre préventif (2 000) ou avant une transplantation hépatique (100). Dans ce même groupe, mais en nombre beaucoup plus faible, figurent des patients atteints de différentes formes de déficit congénital en facteur de coagulation. Les receveurs chroniques. Il s'agit de malades atteints d'hémophilie A (environ 90 personnes) et d'hémophilie B (environ 50) ainsi que des patients atteints de déficit immunitaire primaire ou secondaire (de l'ordre de 1 750). Les autorités sanitaires ont décidé que seuls les malades hémophiles recevraient, via leur médecin traitant, une information personnalisée. Cette décision n'est pas justifiée par le niveau de risque qui, en l'état actuel des connaissances, reste infime. Mais les patients hémophiles et leurs médecins pourront intégrer cette information dans le choix du type de facteur anti-hémophilique (médicaments d'origine sanguine ou médicaments issus des techniques de recombinaisons génétiques) qu'ils souhaitent recevoir.