Exposition Urbanisme Nouvelles maisons, nouvelles villes L'exposition «Voisins-Voisines» montre, à travers huit exemples, des formes innovantes d'habitat individuel groupé en France. Les villes s'étendent dans un désordre pavillonnaire sans limites. Les maisons individuelles adoptent les formes standard des catalogues de promoteurs, imitations pour certaines d'un style régressif néofolklorique. Toits pentus, tuiles, crépis, balconnets, fausses poutres et faux colombages, cours bétonnées et thuyas dessinent dans toute la France un habitat monotone, sans identité. Dans ces nouveaux faux villages, chacun est enfermé chez soi, avec ses deux voitures bien rangées dans le garage, souvent loin de tout commerce. Ce qui constitue pour les pouvoirs publics un vrai casse-tête pour desservir et équiper ces cités excentrées, à moins de penser que les réserves de carburant soient éternelles. Des alternatives émergent : au Palais de la porte Dorée à Paris, l'exposition «Voisins-Voisines» met en scène de nouvelles formes d'habitat individuel en France (1). Densifier. Les coorganisateurs de cette démonstration la Cité de l'architecture et du patrimoine et Arc-en-Rêve de Bordeaux ont sélectionné huit cités traversées par les mêmes desseins. Lutter contre l'étalement des villes en densifiant l'habitat sur des petits lots. Bâtir à des coûts serrés (100 000 euros par maison, par exemple) pour garantir des pavillons à loyer modéré. Mais aussi expérimenter des matériaux industriels comme le béton, le métal, le verre. Rechercher d'autres volumes, jouer avec la lumière, la couleur et la verdure. Dessiner des espaces de vie décloisonnés où le locataire pourrait être «acteur» entre ses murs. «Sans que ce soit pour autant des objets d'architecture», ajoutent Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, deux des architectes de la Cité Manifeste de Mulhouse (lire page 6). Ces propositions se réfèrent à nombre de réalisations passées, des cités-jardins d'origine anglaise, implantées en France entre les deux guerres, au Carré mulhousien qui fête ses 150 ans. L'exposition repose essentiellement sur huit films d'Odile Fillion. La réalisatrice a particulièrement bien donné parole, espace et vie au Carré mulhousien, coordonné par Jean Nouvel. Elle y fait dialoguer tous les acteurs de l'architecture, ce qui est rare : maîtrise d'ouvrage, architectes chercheurs et usagers. Telle Antoinette, à l'aise dans sa «cage». La scénographie, dans un souci d'égalitarisme, consacre le même temps filmé (vingt minutes) et la même présentation aux huit sites : quatre lotissements habités, donc déjà vivants et bases d'analyse ; et quatre sites encore en chantier, moins lisibles, à Bordeaux, Florac, Lille et Tourcoing. Il est encore trop tôt pour tirer le bilan des heureuses innovations et des inévitables dysfonctionnements. Que traquent déjà les voisins de ces laboratoires. «Baraques». Comme Jeanne, à Penhoët, près de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Bien encadrée par la fenêtre de son pavillon classique, elle montre son album de photos. Elle a joué les reporters et suivi la construction des 100 nouveaux logements «d'en face», les villas du Pré-Gras. «De la ferraille, des baraques de chantier élevées en trois jours ! Et il n'y a plus d'hirondelles, car il n'y a plus de fils électriques ni d'arbres.» A son corps défendant, elle raconte bien le montage de ces maisons à ossature d'acier. Jeanne n'y voit pas «des tableaux en 4D, des Mondrian qui combinent six couleurs», comme Georges Maurios, l'architecte de ces maisons-cubes. Les habitants-aventuriers, qui testent ces volumes ouverts, se sentent encore un peu «bêtes de foire», car on visite le Pré-Gras comme une curiosité, mais ils apprivoisent plutôt bien ces logements sociaux «originaux», à loyer modéré. Même s'ils redoutent la chaleur à cause du métal et de l'absence de volets. A travers les images, la balade continue, et elle mène à Reims, dans la cité-jardin du Petit Bétheny. Des locataires sont installés dans les douze «maisons talus» de Laurent Debrix et Anne Reychman. «Dans cette sorte de chalet en bois, j'ai l'impression d'être en vacances tous les jours», se réjouit un locataire. Une place commune a été conçue pour favoriser les rencontres entre voisins, le barbecue se prépare déjà. Cette cité dense comptera 111 maisons d'ici à 2006, avec sept modèles singuliers créés par des architectes de différents pays. Les chaumières seront plantées dans les arbres, ou sonorisées par le chant des oiseaux, parfumées, chauffées au soleil ou débordantes de saveurs. Ce qui régit toute cette approche, c'est la haute qualité environnementale (HQE) : matériaux durables, économes et non pollueurs, énergies renouvelables et charte HQE soumise aux habitants. «On a comparé nos factures avec celles de notre ancien HLM, on fait déjà des économies, affirme un habitant. Et c'est bien isolé.» Les jardins fédèrent les espaces souples des maisons et les relations humaines, dans une recherche de l'équilibre entre intimité et collectivité. Direction Rezé, près de Nantes, une petite ville déjà expérimentale puisqu'elle compte une unité d'habitation du Corbusier et des interventions de Dominique Perrault ou Massimiliano Fuksas. A la Pirotterie sont radicalement posés une trentaine de volumes ressemblant pour certains à des conteneurs. En bois, monolithe d'acier, parallélépipèdes en porte-à-faux, quelques baraquements semblent mystérieusement clos. Alors qu'ils débouchent à l'arrière sur le paysage rural dans lesquels ils sont immergés. L'ensemble du lotissement est un faux désordre très organisé. Paradoxe, une habitante qui a élu domicile dans un «hangar» tout noir a rempli son loft de meubles, objets et poupées, jusqu'à saturation. Et a accroché des géraniums rouges sur sa façade fermée. Les voisins, effrayés par ces «cabanes agricoles», sont rassurés. (1) «Voisins-Voisines», jusqu'au 11 septembre. Palais de la porte Dorée, 293, avenue Daumesnil, 75012 Paris. Tlj sf mardi de 10 h à 17 h. Entrée libre.