Annonce Une Folle Journée entre amis pour Beethoven à Nantes Du 26 au 30 janvier, en 270 concerts, le festival s'attache au compositeur allemand, réputé solitaire, mais aussi à ses élèves et à ses proches. En 1996, la Folle Journée de Nantes recevait déjà Ludwig van Beethoven : 49 concerts en deux jours. En 2005, pas moins de cinq jours et 270 concerts pour Beethoven... et ses amis. Quoi ! Beethoven le prométhéen, le compositeur souffrant, l'homme solitaire, le créateur visionnaire, artiste maudit et immortel, Beethoven avait donc des amis ! Nous aimons ces mythologies créatrices, qui nous disent sur le mode christique pourquoi la beauté sauvera le monde. Maynard Solomon, dans son Beethoven écrit en 2003 pour Fayard, écrit que "Beethoven était de petite taille, il avait une grosse tête et une chevelure épaisse, rebelle, noire comme le charbon, encadrant un visage rougeaud, couvert de marques de la petite vérole", ce portrait n'est pas flatteur, mais les récits et gravures d'époque désignent un homme puissant, au visage tourmenté. Si l'on ajoute à cela la surdité, la misanthropie, l'orage qui éclata au moment de sa mort et toutes les sédimentations du romantisme... Et d'abord, quels amis ? Surtout des pianistes. Certains n'ont pas toujours été les vôtres. Souvenez-vous, Clementi, Cramer, Hummel, Diabelli et Dussek, les noms des jeudis après-midi (plus tard ils étaient aussi là le mercredi), attelés au clavier du salon à l'un des volumes de nos "Classiques favoris". Pour les plus assidus d'entre nous, car il y en a eu, les exercices concoctés par Czerny ou Moscheles, qui laissaient au front le plissé de l'effort virtuose. Quant aux Cherubini, Salieri, Reicha, Eberl, Spohr, Wilms et Vorisek, aucun d'eux qui puisse rivaliser musicalement avec lui : en trente-cinq ans à Vienne, Beethoven a côtoyé beaucoup de bons musiciens, peu de grands compositeurs. Quatre font figure d'exception. Le premier est Haydn, de qui Ludwig reçoit des leçons après que le maître l'eut fait venir à Vienne en 1792, et dont la carrière sera étroitement liée à la sienne jusqu'en 1803. Amis en même temps que rivaux, ils écriront tous les deux pour le prince Lobkowitz, Haydn en 1799, ses Quatuors op.77, Beethoven, de 1798 à 1800, les Six quatuors op.18, Haydn ne s'offusquera pas de la reconnaissance à éclipses de celui qu'il surnomme "le grand Mogol", cependant que Beethoven subira à des degrés divers l'influence de papa Haydn. LE "MAÎTRE DE BONN" Parfaitement contemporain est Carl Maria von Weber (1786-1826), créateur de l'opéra romantique allemand. D'abord ennemi, il se révélera un admirateur fervent, dirigeant Fidelio à Prague en 1814 et à Dresde en 1823, cependant que Beethoven rend justice à son Freischütz. Beaucoup plus lapidaires seront les relations que Beethoven entretint avec Rossini, dont Le Barbier de Séville triomphe à Vienne. Leur unique rencontre a lieu au printemps 1822. Pour Schubert, il y a fort à parier que, bien qu'habitant la même ville, les deux hommes ne se sont jamais adressé la parole, sauvagerie pour l'un, timidité maladive pour l'autre. Rares furent les élèves de Beethoven. Parmi eux, Ferdinand Ries (1784-1838), natif de Bonn comme lui, qui lui servira de secrétaire de 1801 à 1804, avant de s'installer à Londres, où il s'emploie à faire connaître l'œuvre beethovénienne. L'autre est le Viennois Carl Czerny (1791-1857), auteur du fameux Art de délier les doigts censé aider à résoudre les difficultés techniques des 32 sonates pour piano du maître - il en sera l'un des meilleurs interprètes à Vienne. Tous deux donneront dans leurs récits autobiographiques de précieux renseignements sur le "maître de Bonn". Les pianistes Ignaz Moscheles (1794-1870) et Johann Nepomuk Hummel (1778-1837) sont plus que des épigones, des amis. Au premier, Beethoven confie en 1814 la transcription pour piano de Fidelio. Le second, ancien élève de Mozart, entretiendra avec Beethoven des liens amicaux quoique conflictuels, jusqu'à la mort de celui-ci en 1827. Parmi les supporteurs beethovéniens, à la fois pianistes-compositeurs-éditeurs et parfois aussi facteurs d'instruments, Muzio Clementi (1752-1832). Beethoven ira, dit-on, jusqu'à recommander ses sonates à ses élèves plutôt que celles de Mozart, passant avec lui de nombreux contrats d'édition. Idem avec Pleyel, qui invente les premières partitions de poche. C'est un chef-d'œuvre qui a définitivement lié les noms de Beethoven et d'Anton Diabelli (1781-1858), les fameuses 33 Variations op.120, dites "Variations Diabelli", écrites sur le thème d'une de ses valses -, éditées par leur commanditaire en 1823 ! Remettre dans son contexte historique celui qui écrivit : "La musique est une forme de révélation plus haute que toute sagesse ou toute philosophie", c'est donner plus de poids encore à l'homme et à l'œuvre. Car Beethoven est un cas à part dans l'histoire de la musique. Pas un de ses mots - après 1818, il a utilisé pour communiquer des cahiers de conversation, dont 400 nous sont parvenus - qui n'ait été l'objet de gloses ; pas une de ses notes - ses esquisses et ses manuscrits raturés et annotés - qui n'ait suscité son lot de commentaires et d'analyses. Premier musicien indépendant de l'histoire de la musique, il n'a certes jamais occupé de poste officiel, mais les protections des mécènes, les princes Lichnowsky et Lobkowitz, le baron van Swieten, feront dire à Czerny : "Jamais un artiste n'a reçu autant de faveur et d'amitié de la part des princes." Il laissera d'ailleurs à son neveu Karl, qu'il a fini par adopter au terme d'une bataille juridique avec sa belle-sœur, une somme conséquente. Dès 1810, des articles ont fait de lui le fils naturel du roi de Prusse - tantôt Frédéric-Guillaume, tantôt Frédéric le Grand -, une assertion que le musicien se garde de réfuter, en dépit du conseil de ses amis. Ludwig van Beethoven (littéralement "Louis du champs de betteraves" en hollandais), c'est moins chic que demi-frère du roi de Prusse, à qui il dédie sa 9e Symphonie ! Des amis de Beethoven, il y en avait 20 000, le 29 mars 1827, lorsque s'ébranla le convoi mortuaire qui le conduisait au cimetière viennois de Wãhring. Une harmonie jouait des marches funèbres, une vingtaine de compositeurs, dont Schubert en larmes, défilaient avec des flambeaux. C'est un peu tous ceux-là qui seront à la Folle Journée.