Annonce Une fête de l'Europe pour masquer la paralysie Un an après la victoire du non au référendum français sur la Constitution européenne, le 29 mai 2005, le gouvernement français et les partisans du oui tentent d'utiliser la journée de l'Europe, le 9 mai, pour se redonner un moral. En dépit de la quasi-disparition de l'Europe du débat politique national, concentré sur les déboires du gouvernement et les luttes de pouvoir au sein du Parti socialiste, en dépit de l'enlisement de la discussion sur la sortie de crise au sein de l'Union européenne elle-même, la fête de l'Europe sera célébrée cette année en France avec un luxe inédit de manifestations sur tout le territoire. Il n'est prévu aucun message officiel du chef de l'Etat ou du gouvernement. Comme l'y invite le site Internet ouvert pour l'occasion, le slogan de la journée est : "fête l'Europe". Avec l'appui de la Mairie de Paris, la tour Eiffel sera illuminée en bleu, couleur de l'Europe, de 0 heure au lever du jour et de la tombée de la nuit à minuit. Son scintillement évoquera le drapeau européen et ses douze étoiles. La gare du Nord, d'où partent les trains Thalys et Eurostar vers Bruxelles et Londres, sera décorée spécialement et un "prix de la journée de l'Europe" sera couru à l'hippodrome de Vincennes, où il fera l'objet d'un tiercé/quinté + retransmis à la télévision. Une grande soirée sera organisée à Paris pour les étudiants ayant bénéficié du programme européen Erasmus à la Cité des sciences et de l'industrie. Comme en 2005, à la veille du référendum, le ministère des affaires étrangères, d'où fut lancé le 9 mai 1950 l'appel fondateur de Robert Schuman, tiendra porte ouverte, de même que les représentations de la Commission et du Parlement européen, boulevard Saint-Germain. Les ambassades de plusieurs des pays membres de l'Union, dont celle de l'Autriche, qui exerce la présidence de l'UE, de l'Allemagne, des pays de l'élargissement, ont répondu à l'invitation de participer par leurs propres manifestations à cette journée. "L'objectif est que le 9 mai devienne une véritable fête, une occasion de rencontres et de débats, une journée où nous affirmons notre fierté de faire vivre l'Europe", a déclaré dans un message l'ordonnatrice du jour, la ministre déléguée aux affaires européennes, Catherine Colonna. C'est un encouragement pour les associations, les mouvements qui ont porté le oui lors du référendum. A l'instar de la Maison de l'Europe de Paris, présidée par la socialiste Catherine Lalumière, d'organisations comme le Mouvement européen France ou Confrontations de Philippe Herzog, tous ces réseaux ont tenté, un peu à contre-courant, de travailler à dépasser les clivages apparus en France. "Pour une sortie démocratique de l'impasse européenne", s'intitule une récente contribution de l'important réseau associatif Cafecs. La refonte de la directive Bolkestein sur les services, l'accord sur l'ouverture progressive du marché du travail aux salariés de l'Est ont déminé une partie des craintes qui ont porté le camp du non en 2005. Celui-ci, comme l'a montré la réunion ce week-end à Athènes du forum social européen, est aussi à la recherche d'idées pour dépasser la seule critique de l'Europe néolibérale. TROMPER L'ATTENTE Ces réflexions ne seront pas inutiles pour alimenter le moment venu celles des politiques. Malgré la mise en place de nouveaux comités interministériels mensuels sur l'Europe, les efforts pour mieux associer le Parlement aux travaux du conseil des ministres européen, personne ne semble avoir à Paris d'idées bien précises sur la relance de l'Union. Les responsables de la politique européenne trompent l'attente en multipliant des initiatives dont la plupart passent inaperçues. Certains à Bruxelles s'amusent de la "mania des mémorandums" qui aurait saisi les dirigeants français à propos de l'Europe : depuis l'échec du référendum voulu par Jacques Chirac, Paris a multiplié à Bruxelles les contributions plus ou moins charpentées pour tenter de donner davantage de dynamisme à une Union menacée de panne, faute de Constitution. Energie, institutions, grippe aviaire, Organisation mondiale du commerce, agriculture, élargissement, le gouvernement a tenu comme jamais, ces derniers mois, à faire valoir ses idées auprès de partenaires et de la Commission. "Il s'agit de montrer que la France reste une force de proposition au centre du jeu européen, en dépit du rejet de la Constitution chez elle", dit un diplomate. Certaines suggestions, comme celle sur l'énergie, sont arrivées en plein débat sur la dépendance vis-à-vis de la Russie. D'autres, comme celle sur les limites de la politique d'élargissement, paraissent largement destinées à consommation interne. Cet activisme agace parfois : "la mania des mémorandums qui a saisi Paris ne sert pas à grand-chose, et ne compense pas sa perte d'influence", notait un eurocrate spécialiste des questions agricoles lors de la présentation, en début d'année, d'un mémorandum sur l'agriculture.