Statistique Une femme violée toutes les deux heures Environ 70 % des affaires sont élucidées, notamment grâce aux analyses génétiques. DANS LA BANLIEUE de Lyon, trois inconnus en voiture percutent volontairement une automobiliste, l'enlèvent et la séquestrent pour la violer à tour de rôle dans un squat pendant une nuit entière. Aux abords du lac de Créteil, un toxicomane pointe son pistolet sur trois jeunes étudiantes. Terrorisées, elles sont agressées l'une après l'autre avant d'être abandonnées, pantelantes. Dans les sous-sols d'un immeuble du XIIIe arrondissement de Paris, une locataire de 37 ans est traînée par les cheveux derrière un pilier où elle est bâillonnée, plaquée au sol et abusée alors qu'elle a perdu connaissance. En marge de ces récents drames, Clémentine Autain, 33 ans, adjoint au maire de Paris chargé de la jeunesse, vient de révéler, au travers d'un livre portrait, le viol qu'elle a enduré à 22 ans sous la menace d'une arme blanche aux abords de l'université de Paris-VIII - Saint-Denis. Plus que jamais, les affaires d'agressions visant des femmes majeures occupent les services de police et de gendarmerie. L'année dernière, pas moins de 4 412 faits ont été recensés par le ministère de l'Intérieur, soit une fréquence d'un viol commis toutes les deux heures en France. Le phénomène est en pleine explosion depuis une dizaine d'années : en 1994, le nombre de ces affaires franchissait à peine la barre des 2 000. « Cela ne signifie pas que les agressions étaient moins nombreuses dans le passé, note le commissaire Frédéric Malon, chef de l'Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP). En fait, le chiffre noir du viol (relatif aux agressions qui ne font pas l'objet d'une plainte) a diminué en raison d'une certaine libération de la parole chez les victimes. » Sentiment de honte Dans les commissariats, des « policiers référents », des fonctionnaires féminins en général, se sont spécialisés dans les techniques de recueil des dépositions des victimes en proie à un indicible traumatisme et, souvent, à un profond sentiment de honte. Mais le tabou ne semble pas tombé. Ainsi, le collectif féministe contre le viol, qui reçoit les appels des victimes, estime ainsi que seule une sur dix porterait plainte. Les autres resteraient emmurées dans le silence, certaines attendant parfois des années avant d'évoquer leur drame. D'après les dernières statistiques policières, 70 % des viols sont élucidés à l'échelon national et 2 932 violeurs présumés ont été interpellés à travers le pays en 2005. Parmi eux figurent 634 ressortissants étrangers, 75 mineurs et 58 femmes. « Les investigations durent souvent des mois pour confondre un suspect, concède un commissaire. Le violeur, qui agit par pulsion et en fonction des opportunités, n'a en général jamais vu sa victime, dix minutes avant le passage à l'acte. Dans ces conditions, il est difficile de faire le lien entre la victime et son bourreau. Ce dernier, prudent, ne laisse guère de trace génétique ou d'empreintes exploitables. Par ailleurs, il prend souvent soin de dissimuler son visage ou de masquer les yeux de sa victime. » La lecture des procédures permet de dresser ce portrait type : âgé de 20 à 40 ans, marginal ou issu des couches défavorisées, le violeur passe à l'acte plus volontiers dans les quartiers populaires. Parkings, porches, squats et caves d'immeubles et appartements des victimes constituent leurs terrains de chasse favoris. Pour traquer ces déséquilibrés solitaires et imprévisibles, les enquêteurs font désormais tourner de puissants logiciels de recoupements criminels. Selon nos informations, ils ont mis en évidence que 24 violeurs en série potentiels écument actuellement la province. Au sein de la PJ parisienne, le moteur de recherche Corail a, quant à lui, permis de débusquer cet été plusieurs criminels redoutables, dont le « violeur des parkings » qui avait abusé de huit victimes depuis 1994 ou encore du « violeur mélomane ». Ce dernier, avant de passer à l'acte, évoquait sa passion pour Bizet et le bel Canto. Il a reconnu seize viols, en douze ans d'errance à travers Paris et ses environs.