Exposition Une Egypte sortie des eauxUn roi d'Egypte figé dans l'attitude de la marche, avec une reine en Isis et un dieu Hâpy qui personnifie la crue du Nil. Tous trois en granite rose, tous trois de 5 mètres de haut. Mais ce trio de colosses qui, lors de sa précédente mise en scène, au Musée Martin-Gropius-Bau de Berlin, semblait écraser le visiteur de toute sa hauteur, prend presque des proportions humaines sous l'immense verrière du Grand Palais. ChronologieVIIIe siècle avant J.-C. : possible fondation d'Héracléion.331 av. J.-C. : fondation d'Alexandrie par Alexandre le Grand. A la mort de ce dernier, son général Ptolémée reçoit l'Egypte en partage. C'est le début de l'époque ptolémaïque.30 av. J.-C. : après la mort d'Antoine et de Cléopâtre VII, défaits par Octave, le futur Auguste, l'Egypte devient une province romaine.391 : Théodose Ier fait du christianisme la religion officielle de l'Empire et ordonne la fermeture des temples païens.395 : l'Egypte devient une province de l'Empire byzantin.639-640 : conquête de l'Egypte par les Arabes.VIIIe siècle : suite à une série de séismes, la région d'Héracléion, celle de Canope et le port antique d'Alexandrie disparaissent sous les eaux.[-] fermerEn passant de Berlin à Paris, l'exposition "Trésors engloutis d'Egypte", qui présente quinze ans de découvertes effectuées par Franck Goddio au large du delta du Nil, a perdu son côté sombre et oppressant, qui rappelait le contexte de plongée sous-marine dans lequel toutes ces trouvailles ont été faites. Elle a gagné en lumière, en confort. Et en espace - il en fallait. Sont en effet offerts au public quelque 500 objets, de la minuscule amulette d'or représentant l'oeil d'Horus (8 × 7 mm ; 0,4 gramme) à la stèle monumentale de Ptolémée VIII (6,10 mètres de haut, 15,7 tonnes). Cinq cents objets, et encore n'est-ce qu'une partie de ce que l'équipe de Franck Goddio a sorti du port d'Alexandrie et de la baie d'Aboukir.Redonnant ses lettres de noblesse à une époque de l'histoire de l'Egypte souvent jugée, à tort, comme étant la moins glorieuse, l'exposition n'est pas banale. Celui qui en est à l'origine, Franck Goddio, non plus. L'homme (né en 1947) avait, dans les années 1980, une carrière toute tracée dans la finance internationale. Mais une année sabbatique, une remise en question, un voyage en Egypte, l'ont fait basculer vers la plongée sous-marine, l'exploration des épaves et des cités dévorées par la mer.DES MYTHES RETROUVÉSAvec le soutien de la Fondation Hilti, avec le concours du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), qui lui a fourni des outils de détection magnétométrique uniques, Franck Goddio n'a rien laissé au hasard. Depuis 1992, date des premières plongées de son équipe, il a fondé toutes ses recherches sur la cartographie de cette partie de la côte égyptienne qui a glissé dans la Méditerranée. Et retrouvé des mythes : les quartiers royaux et le port antique d'Alexandrie, les villes de Canope et d'Héracléion.Couronnées de succès, ces grandes manoeuvres, menées avec l'autorisation des Egyptiens, lui ont valu de solides inimitiés, notamment dans la communauté des égyptologues (Le Monde du 28 juillet). Franck Goddio a en effet un grand défaut : il n'a pas de diplôme d'archéologue. Ce qui jetterait le discrédit sur ses fouilles, selon ses détracteurs, au premier rang desquels se trouve Jean-Yves Empereur, directeur du Centre d'études alexandrines, soutenu par Nicolas Grimal, titulaire de la chaire de civilisation pharaonique au Collège de France.Une éphémère collaboration les a liés en 1992, avant de tourner court, suscitant des rancoeurs tenaces. Ainsi, contacté par Le Monde pour évaluer l'intérêt des découvertes effectuées par Franck Goddio, M. Grimal a, de manière très sèche et sans aucune explication, souhaité ne "faire aucun commentaire".Professeur honoraire au Collège de France, Jean Yoyotte, qui a consacré cinquante ans de sa vie à l'étude de la région où travaille Franck Goddio, a compris l'intérêt de soutenir ce dernier : "Il y a un peu, entre lui et moi, une association entre l'aveugle et le paralytique", résume-t-il. Goddio apporte l'argent, la technologie, le savoir-faire sur le terrain, tandis que les spécialistes dont il s'entoure, et dont fait partie M. Yoyotte, valident les hypothèses scientifiques et analysent les objets.S'il fallait ne donner qu'un seul exemple des succès de cette méthode, il faudrait citer une énigme vieille de deux mille ans concernant l'implantation de la ville de Thônis, résolue grâce au texte d'une stèle de granit noir tirée des eaux d'Héracléion. Il s'agit de la pièce préférée de Franck Goddio : "Je la trouve d'abord très belle sur le plan esthétique, puis parfaite sur le plan historique, car elle prouve que Thônis et Héracléion étaient une seule et même ville. Et je suis heureux que Jean Yoyotte, qui avait émis cette hypothèse dans les années 1950, ait été la première personne à voir la photo digitale de cette stèle. Cela illustre bien ce que peut apporter l'archéologie à l'histoire."Prudent, M. Yoyotte souligne que les résultats scientifiques des explorations "ne sont pas du tout des résultats définitifs et totaux". Quant aux fouilles elles-mêmes, dont l'exposition du Grand Palais donne un large aperçu, elles devraient se poursuivre pendant longtemps encore, car Franck Goddio pense n'avoir même pas découvert 1 % de ce qui a été englouti.Trésors engloutis d'Egypte, Grand Palais, av. Winston-Churchill, Paris-8e. Jusqu'au 16 mars 2007. De 10 heures à 20 heures, le mercredi jusqu'à 22 heures. 12 €. Catalogue, éd. Seuil/5 Continents, 344 p., 45 €.
