Nouveau/elle Un véritable parti écologiste voit le jour en Russie Plusieurs écologistes russes de renom ont uni leurs forces pour lancer, dimanche 5 juin, un parti nommé provisoirement Russie verte et dont ils disent qu'il pourrait devenir une force politique influente d'ici aux élections législatives de 2007. Ils ont choisi la Journée mondiale de l'environnement pour créer leur mouvement, à Korolev, près de Moscou, où ils ont discuté ses statuts et élu leur direction, ont rapporté les médias russes. Alexeï Iablokov, expert indépendant en sécurité nucléaire et ancien conseiller récalcitrant du premier président russe, Boris Eltsine, dans les années 1990, a été élu à la présidence du parti. M. Iablokov avait notamment pris la défense du militant écologiste Grigori Pasko et du scientifique Vladimir Soifer, qui avaient été poursuivis par le FSB (services secrets russes) à la fin des années 1990 pour avoir communiqué à des organisations étrangères des informations pourtant publiques. M. Iablokov était parmi les "leaders de la société civile" qui ont rencontré le président américain George W. Bush pendant sa visite à Moscou le 9 mai. Selon l'agence Interfax, il n'y avait pas d'autres candidats. "NOUS POURRIONS DEVENIR UN PARTENAIRE-CLÉ" M. Iablokov a indiqué qu'il aurait trois adjoints. Le plus connu est l'ancien capitaine de la marine Alexandre Nikitine, arrêté en 1996 pour avoir préparé un rapport pour les écologistes de l'organisation norvégienne Bellona sur les problèmes de sécurité des navires nucléaires russes. Il a finalement été acquitté en 2000. Les deux autres vice-présidents sont le leader de l'Union pour l'environnement de Moscou, Andreï Frolov, et la dirigeante des Verts de Saratov, Olga Pitsounova. M. Iablokov a expliqué que le premier objectif de Russie Verte serait d'obtenir son enregistrement. Il espère que d'autres mouvements écologistes rejoindront sa formation pour créer ainsi un groupe parlementaire d'opposition influent à la Douma (chambre basse) après les prochaines législatives. "Nous n'aurons pas la majorité, mais nous pourrions devenir un partenaire-clé, sans lequel on ne peut prendre de décisions, comme cela est arrivé en Allemagne", a dit M. Iablokov, un sexagénaire à la courte barbe blanche, à la télévision Rossia. Selon une loi récente, un parti politique ne peut entrer à la Douma que s'il réunit au minimum 7 % des suffrages, contre 5 % auparavant. Pour participer aux élections, il doit compter 50 000 membres, cinq fois plus qu'avant. La Douma russe est actuellement dominée par le parti pro-Kremlin Russie unie. Aux élections législatives de décembre 2003, la liste menée par le parti des "Verts" russes, composée essentiellement de notables de province proches du pouvoir, qui paraissait bien moins critique que le nouveau mouvement, avait recueilli moins de 1 % des voix. "UNE SITUATION ÉCOLOGIQUE DÉSASTREUSE" "La Russie s'enfonce dans une situation écologique désastreuse dont le signe le plus visible est la baisse très marquée de sa population et de l'espérance moyenne de vie", a déclaré, lundi à Moscou, M. Iablokov. "La Russie a déjà commencé à glisser vers une catastrophe écologique rampante", a poursuivi le scientifique. "L'expression concrète de cette situation est la grave crise démographique" que connaît le pays qui perd environ 800 000 habitants chaque année, a ajouté M. Iablokov, dont nombre d'ouvrages ont été traduits aux Etats-Unis, en Allemagne et au Japon. "Les problèmes écologiques jouent un rôle énorme dans ce recul": "Entre 300 000 et 350 000 décès sont dus chaque année aux problèmes écologiques", a-t-il ajouté en citant la pollution de l'eau, de l'air, et les "pollutions radioactives secrètes".  "Dans aucun pays du monde, l'espérance moyenne de vie ne s'est réduite sur les vingt dernières années, or chez nous elle diminue : l'espérance moyenne de vie des hommes en Russie est d'un peu plus de 58 ans, moins que l'âge de la retraite", a poursuivi le président de Russie verte. Le nombre de décès a dépassé celui des naissances en Russie de 887 100 en 2003, selon le service fédéral des statistiques. L'espérance moyenne de vie des hommes était de 58,6 ans et celle des femmes de 72 ans. La population était en 2002 d'un peu plus de 145 millions, selon la même source. Selon M. Iablokov, le pouvoir mène "une politique délibérée" de "désécologisation". "De nos jours, seules 400 personnes sont autorisées en Russie à dresser des procès-verbaux pour violation des lois concernant les ressources forestières, le pays est livré au pillage, c'est effrayant", a-t-il ajouté en exemple. Des organisations telles que Greenpeace ou le Fonds mondial de protection de la nature ont signé des accords de coopération avec ce nouveau parti. Interrogé sur les espoirs de survie de sa formation, M. Iablokov a défini son parti comme celui de "l'aile démocratique de la société"  russe. "Plus le Kremlin poursuivra sa politique (...) en réduisant encore et encore le secteur démocratique de notre société et plus dure sera sa politique dans ce domaine, plus nombreux seront ceux qui se tourneront vers nous", a-t-il lancé.