Scandale Un vent de protestation contre la censure souffle sur l'audiovisuel russe Des émissions récemment supprimées ont été primées lors d'une cérémonie. Pour protester contre la mainmise du pouvoir sur le paysage audiovisuel russe, l'Académie de télévision, chargée de distinguer chaque année les meilleures émissions, a décerné, vendredi 24 septembre, ses prix à trois programmes d'informations supprimés récemment : "Namedni" ("L'autre jour"), "Krasnaïa Strela" ("La flèche rouge") et "Svoboda Slova" ("Liberté de parole"), dont la diffusion sur la chaîne NTV, propriété du géant du gaz Gazprom, a été interrompue à la demande du Kremlin. Le présentateur vedette de "Namedni", Leonid Parfionov, limogé en juin pour avoir voulu diffuser l'interview de la veuve d'un dirigeant séparatiste tchétchène assassiné par les services russes au Qatar, s'est vu attribuer une distinction spéciale du jury. Emu par l'attribution de "cette petite couronne pour la tombe de "Namedni"", le présentateur a rappelé qu'il était au chômage depuis son limogeage. Autre journaliste vedette, Savik Chuster, l'ex-présentateur de l'émission "Svoboda Slova", a ironisé sur le fait que "disparaître des écrans" était la meilleure garantie de recevoir un prix. Le président de l'Académie de télévision, Vladimir Pozner, a qualifié le choix du jury de "vote de protestation". A l'origine, le petit monde de la télévision russe s'était entendu pour rendre publique, vendredi, une lettre attirant l'attention des autorités sur la censure qui s'est abattue sur les médias audiovisuels depuis l'arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir en mars 2000. "La censure a de fait été instaurée à la télévision et, pire encore, l'autocensure gagne du terrain, liée à des licenciements et à la suppression de certaines émissions, indique la lettre. On essaie de nous imposer une ligne officielle à la place de l'actualité et des informations objectives ; de la propagande à la place des discussions libres." La déclaration, qui devait être rendue publique le jour de la remise des prix, a été passée sous silence par l'Académie russe de télévision au motif que 30 personnes sur 134 l'ont signée. "PAS TOUJOURS PLAISIR" Pourtant, quelques journaux de la presse alternative, comme le quotidien Kommersant (propriété du magnat exilé Boris Berezovski), ou l'hebdomadaire Les Nouvelles de Moscou (qui appartient au patron de Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski, en prison) ont publié le texte, vendredi. Le même jour, Vladimir Poutine, qui assistait à Moscou au congrès des agences mondiales de presse, a déclaré qu'"aucun doute n'est permis : la critique de la presse est utile au pouvoir à tous les niveaux, quand bien même cela ne fait pas toujours plaisir. D'ailleurs le dicton populaire dit bien : "Si tu ouvres la fenêtre, il y a du bruit ; si tu la fermes, il fait trop chaud"." Le président russe a invité les médias à se fixer des règles afin de devenir "un instrument effectif de lutte contre le terrorisme".