Élection Un ultra-conservateur crée la surprise aux élections en IranAhmadinejad, le maire de Téhéran, affrontera Rafsandjani au second tour.Les principaux journaux, les analystes politiques et les autres candidats n'en reviennent pas. Ils ne lui accordaient pas la moindre chance d'accéder au second tour. Pourtant, c'est bel et bien Mahmoud Ahmadinejad, le plus radical des candidats à la présidentielle, qui affrontera vendredi au second tour l'ex-président Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, qui le devance de moins de 500 000 voix. Maire de Téhéran depuis les municipales de 2003, marquées par une abstention record, cet ingénieur civil de 49 ans a devancé largement les deux candidats réformateurs et même l'ex-chef de la police de la capitale, Mohammed Qalibaf, un autre «dur», qui avait fait une brillante campagne, disposait de fonds considérables et passait pour le favori du Guide suprême de la révolution, l'ayatollah Ali Khamenei.Large choix. Cette seconde place est d'autant plus étonnante que, pour la première fois, les électeurs iraniens avaient un choix plutôt large de personnalités choisies par le Conseil des gardiens (l'organe de sélection des candidats), allant de l'extrême droite à l'extrême gauche du régime. «Ce scrutin a été une sacrée surprise. Ahmadinejad n'avait rien pour attirer les électeurs, même pas son apparence physique. Il doit sa victoire à la mobilisation des bassidji [miliciens], des pasdaran [gardiens de la révolution], du réseau des mosquées et de diverses associations islamiques, qui ont fait voter pour lui», explique Bijan Khajehpour, un analyste politique. «Ce qui est aussi intéressant, c'est que, pour la première fois, conservateurs et ultraconservateurs utilisent des institutions démocratiques, comme le Parlement ou le scrutin présidentiel, pour accéder au pouvoir. Avant, ils ne se servaient que de leur légitimité révolutionnaire ou des organes qu'ils contrôlaient», ajoute-t-il.A l'heure où la publicité politique déferle sur la République islamique, chassant mythes et slogans révolutionnaires qui ne font plus recette, c'est un candidat hostile à tout marketing qui talonne Rafsandjani, dont la campagne médiatique a pourtant été exemplaire. Ahmadinejad est la caricature de l'islamiste pur et dur. A la mairie, il a interdit aux employés de porter des manches courtes, fait enlever des rues les affiches jugées trop occidentales et imposé des restrictions sévères aux centres culturels. Il lui est arrivé de se déguiser en éboueur pour montrer qu'il est proche du peuple. Et pour pousser les jeunes à se marier, il leur accorde des prêts sans intérêt.«On a vu sa maison à la télévision. Elle est toute simple, pas comme celle de Karbaschi (le précédent maire, proche de Rafsandjani). Il n'est pas corrompu, ne touche aucun salaire de la mairie, seulement de son poste à l'université. Et aucun membre de sa famille n'est dans les affaires», insiste Mohammed Hosseini, un comptable du centre-ville. «Nous, on va dire aux gens ce qui va leur tomber sur la tête s'il est élu», rétorque Kaveh Sedghi, 24 ans, qui milite pour Rafsandjani. Le populisme du candidat n'enlève en rien à son intransigeance idéologique qui fait de lui le chef de file de la nouvelle génération de l'extrême droite islamiste.Opérations d'infiltration. Fils d'un forgeron, il a un parcours sans faille, à l'université comme à la tête des forces spéciales des pasdaran avec lesquelles il a mené des opérations d'infiltration en Irak pendant la guerre Il a fait aussi partie des «étudiants de la ligne de l'imam (Khomeiny)», à l'origine, en 1979, de la prise des 55 otages de l'ambassade américaine. Sa présence au second tour a été un choc à Téhéran où, dans les beaux quartiers, il fait vraiment peur. «On peut comparer la situation à celle de Chirac contre Le Pen. Je vais devoir aller voter Rafsandjani», indique une directrice de galerie qui avait boycotté le premier tour.
