Un remarquable "Fierrabras" Le Théâtre du Châtelet accueillait en première française Fierrabras, opéra de Schubert rarement joué, dans la production montée en 1997 à l'Opéra de Zurich. Contrairement à ce que pourrait laisser supposer son patronyme, Fierrabras, sous-titré par Schubert "opéra romantique et héroïque", a longtemps fait profil bas. Composé en 1823, l'année de La Belle Meunière, il sera interrompu en pleines répétitions, l'insuccès d'Euryanthe, de Weber, ayant sonné la provisoire reddition de l'opéra allemand face à l'opéra italien. Des extraits de l'oeuvre, exécutés en version de concert en 1858, déclencheront l'ire du célèbre critique allemand Eduard Hanslick qui stigmatise chez le compositeur le renoncement "à tout ce qui a pour nom poésie, bon goût, cohérence". Il faudra attendre 1897, centenaire de la naissance de Schubert, pour que l'opéra - avec nombreuses coupures et adjonction de ballets - soit créé à Karlsruhe ; 1988 pour que Fierrabras soit enfin restitué dans son intégralité et son intégrité, à Vienne, sous la direction de Claudio Abbado. Le metteur en scène Claus Guth revendique la relative incohérence du livret si souvent reprochée à Schubert (le livret de Josef Kupelwieser est tiré d'une chanson de geste du XIIe siècle relatant la croisade de Charlemagne chez les Maures et la conversion de Fierrabras à la foi chrétienne). La mise en scène, ludique, avec son décor de salon, son coucou suisse et ses personnages sortis de placards de jeux d'enfants, ne manque pas d'élégance. Schubert est là, en chair et en os, grâce à l'acteur Wolfgang Beuschel, "petit champignon" aussi autobiographique que possible, tantôt composant de la musique (il domine sa production), tantôt composant avec (il est dépassé par ses personnages). Le tout est remarquablement chanté. Le carré d'hommes notamment est un vrai régal, Gregory Frank en Charlemagne, Michael Volle en Roland, Christoph Strehl en Eginhard et le merveilleux Jonas Kaufmann en Fierrabras. L'Orchestre de l'Opéra de Zurich est tonique sans manquer de finesse. Son chef principal, Franz Welser-Möst, possède la souplesse de phrasé et la justesse de ton qui évitent à l'oeuvre de sombrer dans l'ennui, malgré les nombreuses marches plus ou moins militaires. Remarquable, cette production a également le mérite de remettre les coucous à l'heure. Elle prouve à un public d'emblée heureux que Schubert était relativement déniaisé en matière d'opéra, et qu'il n'a pas écrit que des lieder, des quatuors et des symphonies. Fierrabras, opéra de Franz Schubert. Avec Gregory Frank, Juliane Banse, Michael Volle, Christoph Strehl, Jonas Kaufmann, Twila Robinson, Claus Guth (mise en scène), Choeur et Orchestre de l'Opéra de Zurich, Franz Welser-Möst (direction). Théâtre du Châtelet, place du Châtelet, Paris-1er. Prochaines représentations les 10 mars à 19 h 30, le 12 mars à 16 heures. Tél. : 01-40-28-28-40. De 24 € à 114 €.