Annonce Un premier essai international d'"immunisation passive" va être lancé contre cette pathologie qui, chaque année, touche 150 000 personnes en France Un nouveau vaccin va être testé contre la maladie d'Alzheimer Est-on enfin sur la piste d'un traitement efficace contre la maladie, aujourd'hui incurable, d'Alzheimer qui touche 850 000 personnes en France et dont on recense, chaque année, environ 150 000 nouveaux cas ? Un prochain essai international de vaccination contre cette affection neurodégénérative le laisse penser. Il pourrait être lancé dès janvier 2006 et devrait concerner, à court terme, plusieurs centaines de patients. Les meilleurs centres de référence sur cette affection sont actuellement contactés par la multinationale pharmaceutique Roche, à l'origine de ce projet d'essai, et les médecins concernés vont informer les familles des malades des modalités de cette étude. En France les centres de Paris (groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière), Bordeaux, Nice et Montpellier devraient être associés à ce projet. Un appel pressant au don de cerveau Les recherches sur la maladie d'Alzheimer nécessitent que les chercheurs puissent disposer des tissus cérébraux prélevés post mortem chez des malades mais aussi, à des fins de comparaisons, chez des personnes décédées pour d'autres raisons. Un appel pressant en ce sens vient d'être lancé par l'association France Alzheimer. "Ce type de don généreux nous a d'ores et déjà permis de mener différents travaux riches d'enseignement sur des aspects de la physiopathologie de cette affection , explique le professeur Jean-Jacques Haw, chef du service de neuropathologie de l'hôpital de la Salpêtrière. Nous mesurons pleinement à quel point cette décision peut être difficile à prendre par les familles mais nous sommes persuadés que ce geste est de nature à aider la communauté scientifique à progresser dans la lutte contre ce qui constitue d'ores et déjà un fléau." [-] fermer Un diagnostic souvent trop tardif en France Tout en ne cachant pas le très vif intérêt qu'ils portent à ce prochain essai, les neurologues spécialisés dans l'étude de la maladie d'Alzheimer se veulent, aujourd'hui, prudents. Ils rappellent que la première expérience de vaccination jamais menée en 2001 contre cette affection avait dû être interrompue après la mise en évidence d'effets secondaires graves. Première cause de démence dans les pays industrialisés, où l'on meurt de plus en plus tard, et qui représente un problème majeur de santé publique, la maladie d'Alzheimer se caractérise par l'apparition de lésions spécifiques dans le cerveau. Alors qu'elle est normalement métabolisée au sein du tissu cérébral, on observe qu'une protéine donne naissance à un peptide pathologique dénommé bêta amyloïde. Ce peptide est issu d'une protéine mère composée de 671 acides aminés qui est habituellement sectionnée par deux enzymes en des endroits précis donnant ainsi naissance à une molécule soluble. "Dans le cas de la maladie d'Alzheimer, la section s'effectue dans des régions différentes de la protéine, ce qui provoque la formation de ce peptide bêta amyloïde composé de 42 acides aminés. Insoluble, il s'accumule et, au contact des neurones, provoque la formation de "plaques séniles". Ces dernières induisent alors une série de réactions pathologiques conduisant à la destruction neuronale, explique le professeur Bruno Dubois (hôpital de la Pitié-Salpêtrière), directeur de l'unité Inserm Neuro-anatomie fonctionnelle du comportement et de ses troubles. Outre la recherche pharmacologique, les différentes stratégies thérapeutiques développées ces dernières années visent donc soit à empêcher la formation du peptide amyloïde, soit à dégrader les plaques séniles déjà formées." APPARITION D'ANTICORPS En 1999, une équipe de biologistes californiens dirigés par le docteur Dale Schenk, de la société Elan Pharmaceuticals (San Francisco), annonçait, dans l'hebdomadaire Nature , avoir réussi, grâce à un vaccin expérimental, à prévenir l'apparition ou à freiner la progression des lésions pathologiques caractéristiques de la maladie d'Alzheimer chez des souris dont le patrimoine génétique avait été modifié de manière à induire chez elles une pathologie équivalente à l'affection humaine. Les chercheurs avaient tout d'abord introduit dans le génome des souris le gène humain qui dirige la synthèse du peptide bêta amyloïde. Ils avaient ensuite injecté chez ces animaux ce même peptide, provoquant de la sorte l'apparition d'anticorps contre cette molécule. Certains de ces anticorps avaient alors franchi la barrière biologique qui sépare le cerveau du reste du corps et effectivement dégradé les plaques séniles. La communauté scientifique spécialisée perçut ce résultat hautement spectaculaire confirmé par l'amélioration du comportement des animaux ­ comme un progrès majeur laissant entrevoir la mise au point d'un vaccin. Un vaccin non pas préventif (comme ceux destinés à prévenir certaines maladies infectieuses) mais thérapeutique (comme dans le cas de la rage). Certains spécialistes confiaient toutefois, en privé, que les images neurologiques publiées étaient presque trop belles pour être vraies. Tout devait néanmoins aller très vite. En 2000, un candidat vaccin destiné à l'homme fut testé sur quelques dizaines de volontaires aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Ce travail laissa penser que cette méthode d'immunisation pouvait a priori être correctement tolérée et qu'elle n'induisait pas de phénomènes allergiques. Et il y a quatre ans, on estima que le moment était venu de tester, à l'échelon international, l'efficacité vaccinale dans le cadre d'un essai de phase II sur plusieurs centaines de malades (Le Monde du 12 mai 2001). DES PLAQUES SÉNILES Quelques mois plus tard, en étroite liaison avec les autorités sanitaires françaises chargées des produits de santé, les promoteurs de cet essai décidaient de suspendre ce travail : 18 cas d'encéphalite venaient d'être diagnostiqués chez les 300 personnes alors vaccinées. L'hypothèse la plus vraisemblable était qu'un élément constitutif du vaccin pouvait avoir déclenché un mécanisme inflammatoire dans le système nerveux central de certaines des personnes vaccinées (Le Monde du 28 janvier 2002). Cet essai a été finalement abandonné. Pour autant, plusieurs éléments ont, depuis, permis de conclure que ce vaccin était bel et bien doté d'une efficacité potentielle. Dans ce contexte, nombre des questions fondamentales de la vaccinologie anti-Alzheimer demeurent aujourd'hui sans réponse. L'essai clinique à venir devrait permettre de répondre à plusieurs d'entre elles. Il s'agit d'un essai dit d'"immunisation passive" : plutôt que de faire produire par l'organisme malade des anticorps anti-peptide bêta amyloïde, on injectera, par voie intramusculaire, dans ce même organisme ces anticorps en postulant qu'ils induiront, comme dans le cas des souris transgéniques californiennes, une destruction des plaques séniles. Le laboratoire pharmaceutique Roche confirme ces informations tout en soulignant n'en être ici qu'au premier stade de ce travail, la molécule vaccinale n'ayant pas encore "de nom, ni même de numéro". "Nous commençons d'ores et déjà, quant à nous, à être sollicité par les familles de nombre de nos patients qui souhaitent que leur proche soit inclus dans cet essai clinique où dans d'autres qui vont être lancés à court ou moyen terme, confie pour sa part un spécialiste français. Cela nous met dans une situation éthiquement et techniquement bien difficile. Ces questions seront encore plus délicates si nous parvenons, un jour, à disposer d'un vaccin préventif."