Nouveau/elle Un nouveau musée japonais à Bruxelles Les complications institutionnelles du pays et le peu d'intérêt dont les politiques témoignent à l'égard de la culture n'empêchent pas, occasionnellement, un miracle de survenir en Belgique. La naissance récente, à Bruxelles, d'un musée d'art japonais relève, ainsi, de l'inattendu, ou plutôt de ce que plus personne n'attendait. Il aura, en effet, fallu dix-sept ans de patience à Chantal Kozyreff, conservateur des collections japonaises aux Musées royaux d'art et d'histoire (MRAH), pour voir se réaliser son projet. Désormais, les trésors du Musée du cinquantenaire - l'appellation plus courante des MRAH -, soit douze mille objets, pourront être montrés. Ils ne l'étaient plus depuis 1987, date de la fermeture de la collection japonaise du musée. Ce bel ensemble, essentiellement de la période Edo (1600-1868), comprend notamment des milliers d'estampes et résulte pour une grande partie de dons, pour une autre d'acquisitions. Miracle, mais petit miracle seulement, la naissance du musée ne permettra toutefois pas à la capitale de disposer d'un lieu à la mesure de ses collections et de certaines ambitions. Le Nouveau Musée d'art japonais a été logé dans un bâtiment qui, pour avoir été superbement rénové, n'en est pas moins trop exigu. Il fut voué, au début du XXe siècle, à devenir le garage et l'écurie du Pavillon chinois, folie architecturale commandée par le roi Léopold II au Français Alexandre Marcel. Le pavillon jouxte la Tour japonaise, également empreinte d'un exotisme délirant, autre élément d'un vaste plan du roi visionnaire et mégalomane. Léopold II voulait que l'austère palais royal de Laeken, tout proche, soit entouré de lieux d'animation. Le Pavillon chinois était, ainsi, censé devenir un restaurant gastronomique. Les débats houleux du monarque avec le monde politique, puis sa mort, allaient mettre un terme à ces projets. Les deux bâtiments, qui forment un ensemble aussi unique que méconnu - les Bruxellois eux-mêmes pensent généralement qu'il fut créé pour l'Exposition universelle de 1958 -, ont, au fil des années, reçu des affectations diverses, avant de devenir des lieux d'exposition permanente d'articles décoratifs et de porcelaines. La dépendance utilitaire, abandonnée, interdite au public, aurait elle pu devenir... une guinguette. Il a fallu le courage et l'imagination de quelques passionnés pour faire un lieu qui, par la force des choses, présentera la quintessence des collections japonaises du Cinquantenaire : l'espace est limité et les oeuvres souvent très fragiles. Mme Kozyreff a donc imaginé un original système de rotation. La section des textiles - de merveilleux kimonos - sera renouvelée tous les trois mois, celles des armures tous les semestres. Les premières estampes montrées, dont l'une est unique au monde, confirment la renommée des musées bruxellois en ce domaine. Issues du mouvement pictural Ukiyo-e ("images du monde flottant"), formé au XVIIe siècle, elles sont signées de cinq grand maîtres (Harunobu, Utamaro, Skaraku, Hokusai et Hiroshige). Elles ne seront montrées que pendant quelques semaines, afin d'éviter leur altération par la lumière. Le fonds gravé du Cinquantenaire a, il est vrai, de la ressource. Il comporte quelque sept mille cinq cents planches, totalisant plus de trois cents cinquante signatures différentes.