Accuser Un Français impliqué dans le scandale des abus sexuels commis par des employés de l'ONU au Congo Didier Bourguet, 41 ans, a été incarcéré en France. Kofi Annan prend des mesuresNew york (nations unies) de notre correspondanteCe que l'ONU redoutait est arrivé. Les photos pornographiques prises par un employé français de la mission de maintien de la paix en République démocratique du Congo (RDC) ont commencé à "sortir". Vendredi 11 février, la chaîne de télévision ABC a révélé l'identité de ce cadre, ancien chef de l'unité de logistique à Goma. Il s'agit de Didier Bourguet, qui est âgé de 41 ans. La chaîne publie sa photo et affirme avoir pu prendre connaissance du disque dur de son ordinateur. Y figurent "des milliers de photographies de lui en train d'avoir des relations sexuelles", indique ABC. Des "centaines de jeunes Congolaises" sont impliquées. Les Nations unies avaient toujours refusé, jusqu'à présent, de détailler les faits qui sont reprochés à cet employé, arrêté le 31 octobre 2004 à Goma et livré aux autorités françaises à l'ambassade à Kinshasa.Mais des sources officieuses avaient fait état de photos digitales et de vidéos, faisant circuler dans les couloirs l'angoisse d'avoir à subir un "Abou Ghraib à l'ONU". L'existence des photos est donc confirmée. Selon ABC, Didier Bourguet aurait admis alimenter un réseau de pédophiles.Pour l'instant, Didier Bourguet a été mis en examen, le 2 novembre, à Paris, pour le seul chef d'"agression sexuelle sur mineure". Compte tenu de l'immunité dont bénéficient l'ONU et ses installations, il faut une procédure spéciale pour que les autorités françaises puissent accéder à son ordinateur.Après avoir été remis en liberté par le juge de la détention, il a été réincarcéré, le parquet ayant fait appel. Didier Bourguet a protesté contre sa mise en examen en estimant que rien dans le dossier ne prouvait que la victime présumée était mineure. Il conteste aussi que les faits puissent être jugés en France. La cour d'appel de Paris se prononcera, le 9 mars, sur la validité de la mise en examen. Le parquet général s'est prononcé pour la poursuite des investigations, estimant que la mise en examen était régulière.Le réseau de pédophilie n'est qu'une des accusations portées contre les casques bleus de la Mission d'observation des Nations unies au Congo (Monuc), qui compte 11 000 hommes originaires de 47 pays. ABC cite aussi le cas d'un colonel sud-africain qui abusait de ses jeunes traducteurs, ainsi que des pratiques de "sexe contre nourriture", où les soldats échangeaient des relations sexuelles contre 2 ou 3 dollars, du pain ou des œufs. Le bureau des enquêtes internes de l'ONU a retenu vingt cas seulement, les soldats mis en cause étant originaires du Malawi, du Maroc, d'Uruguay, de Tunisie, du Pakistan et du Népal. Parmi les civils, on compte un Australien. Seuls le Français et le Sud-africain font pour l'instant l'objet de poursuites.CODE DE CONDUITETourné il y a deux semaines, le reportage d'ABC montre enfin que rien n'a changé, malgré la "tolérance zéro" proclamée à plusieurs reprises par les responsables de l'ONU. On voit des prostituées monter dans le 4 × 4, marqué "U N" (United Nations), de responsables de la mission à Goma après le couvre-feu imposé aux casques bleus. Selon le code de conduite, les membres des missions n'ont pas le droit de se trouver dans des endroits fréquentés par des prostituées, d'autant qu'elles sont souvent mineures.Interrogés le 7 janvier, le chef du département du maintien de la paix des Nations unies, Jean-Marie Guéhenno, et le représentant de l'ONU en RDC, William Lacy Swing, avaient estimé difficile d'interdire tout contact sexuel avec la population. M. Guéhenno jugeait préférable une approche "non confrontationnelle" avec les pays contributeurs de troupes, dont tous ne voient pas avec la même sévérité le cas de militaires prenant du bon temps avec la population locale.Jeudi, à la veille de la diffusion de l'émission d'ABC, des mesures ont été subitement prises. Les contacts sexuels avec des prostituées ont été totalement interdits. Le secrétaire général, Kofi Annan, a écrit au Conseil de sécurité pour avertir les pays concernés. "Nous ne pouvons tolérer un seul cas de casque bleu de l'ONU abusant des personnes les plus vulnérables", a-t-il indiqué. Kofi Annan a aussi demandé un renfort d'enquêteurs parlant français pour mener les enquêtes sur place.
