Succès Un film turc vengeur sur la guerre en Irak agite l'AllemagneTaxé d'antiaméricanisme et d'antisémitisme, retiré de certaines salles, «la Vallée des loups - Irak» rencontre un gros succès.Après les caricatures, le cinéma. La sortie en Allemagne, il y a quinze jours, du film turc la Vallée des loups Irak suscite la polémique. A tel point que MaXXimum, le distributeur, veut faire venir Serdar Akar, le réalisateur du film, qui a déjà enregistré 260 000 entrées, pour s'expliquer devant la presse. Face à la pression politique du Bavarois conservateur Edmund Stoiber, qui a qualifié le film d'«antiaméricain et antisémite», et des Verts redoutant que le fossé entre chrétiens et musulmans ne se creuse encore, CinemaXX, chaîne d'exploitation allemande, a décidé de retirer le film de ses écrans. Soit douze copies sur soixante-cinq.Sanguinaires. Le 4 juillet 2003, les forces américaines en Irak arrêtaient onze militaires turcs soupçonnés de préparer un attentat contre le gouverneur kurde de Kirkouk. Ils ont été relâchés deux jours plus tard (Libération du 7 juillet 2003), mais, blessés dans leur orgueil national, les Turcs n'ont jamais pardonné aux Etats-Unis cette action «dégradante». Serdar Akar a donc décidé d'envoyer l'ex-agent Polat Alemdar, héros de sa série télévisée à succès la Vallée des loups, en mission en Irak pour se débarrasser de l'ignoble commandant Sam Marshall (interprété par Billy Zane, le méchant de Titanic).Les GI sont présentés comme des Rambo stupides et sanguinaires qui déciment des villages pour le plaisir. Nationaliste et antikurde, le film est aussi caricatural que n'importe quel blockbuster américain. Mais dans l'autre sens. Antiaméricain de base, le film comporte deux scènes très problématiques. Celle d'un médecin juif qui prélève des organes sur des Irakiens innocents pour les envoyer à New York, Londres et Tel-Aviv. Et celle d'un juif orthodoxe fuyant à Bagdad l'hôtel que l'agent Polat veut faire sauter.Récupération. Indignée par ces clichés, la communauté juive allemande a demandé le retrait du film. A ce légitime émoi viennent s'ajouter des arrière-pensées politiciennes. Opposé à l'entrée de la Turquie dans l'UE, Stoiber a saisi l'occasion pour faire son retour politique. Depuis l'assassinat du cinéaste Van Gogh aux Pays-Bas, les conservateurs allemands se sentent légitimés dans l'idée que le modèle d'intégration allemand, inspiré par la Hollande, est un échec. Polémique renforcée par le témoignage d'une journaliste du Spiegel, racontant avoir entendu à Wedding (nord de Berlin) des jeunes crier «Allah est grand» quand l'agent Polat poignarde le méchant Américain. Un cas apparemment isolé : aucun autre reporter n'a fait état de tels débordements.Lundi, séance du soir au Karli de Neuköllen, quartier turc de Berlin : beaucoup d'hommes, quelques femmes voilées et d'autres, plus jeunes, non voilées. Le public ne rit qu'une fois, quand Polat demande de l'apple-pie parce qu'«il paraît qu'on en mange au McDo». Seul quotidien à ne pas enfoncer le film, la Süddeutsche Zeitung (gauche) s'élevait hier contre une forme d'«hooliganisation du public» qui fait «basculer le débat dans l'absurde».
