Scandale Un deuxième salarié de Canal plus se plaint d'avoir été espionné par les services de sécurité de la chaînel y a un deuxième homme. Un autre salarié de Canal plus qui, comme Bruno Gaccio, l'animateur des "Guignols" , assure avoir été espionné par l'ancien agent des services spéciaux pour le compte de la chaîne cryptée. Pierre Martinet, membre de 1997 à 2001 de la DGSE, la direction générale de la sécurité extérieure, puis embauché par Canal plus, a avoué dans Un agent sort de l'ombre (éditions Privé), avoir surveillé une dizaine de salariés de la chaîne sur ordre du directeur des moyens généraux, l'ancien policier Gilles Kaehlin (Le Monde du 30 avril), qui se refuse à tout commentaire. L'ancien agent avait expliqué avoir filé un autre cadre de Canal plus, dont il souhaitait taire le nom.Une enquête de la police des policesLe policier du SCTIP, le service de coopération technique de la police, qui avait nié avoir fourni à Pierre Martinet les listings d'appels du portable de Bruno Gaccio, l'un des auteurs des Guignols (Le Monde du 30 avril), a reconnu auprès de sa hiérarchie avoir effectivement remis une enveloppe à l'ancien agent secret, pour rendre service à son ancien collègue du SCTIP, Gilbert Borelli, numéro deux des services de sécurité de Canal+. Il a expliqué qu'il ne savait rien de l'identité du propriétaire du portable. Une enquête a été confiée à l'inspection générale de la police nationale (IGPN).Par ailleurs, la direction administrative de la police nationale (DAPN) a demandé en mars à Gilbert Kaehlin, le supérieur de Gilbert Borelli, s'il souhaitait rejoindre son corps d'origine, les renseignements généraux, dont il s'est mis en disponibilité depuis 1997. Le policier n'a pas répondu, mais lorsque, après la parution du livre de Pierre Martinet, les responsables des RG ont souhaité consulter son dossier à la DAPN, il n'a pu être retrouvé.[-] fermer"DÉMÉNAGÉS DE FORCE" Cet homme s'appelle Michel Rocher. Il a 48 ans, a travaillé 18 ans dans la branche cinéma de la chaîne, avant d'être licencié pour "faute lourde" le 31 janvier 2003. En mars, une plainte pour "corruption de salariés" , toujours à l'instruction, a été déposée contre lui par Studio Canal Image. Il assure qu'il avait eu le tort de résister à Gilles Kaehlin, qui l'a fait espionner, licencier, et a monté de toutes pièces un dossier contre lui. "Ça fait deux ans que je hurle, indique Michel Rocher. Personne ne m'écoutait. Quand j'ai vu le bouquin de Martinet, j'ai compris." Michel Rocher est entré à Canal en juin 1984 ; il a été nommé en 1991 directeur technique de Studio Canal, avec 25 personnes sous ses ordres, des correspondants à Londres et Los Angeles. Son service fabrique des copies neuves pour les catalogues de films qu'achète la chaîne. Il a travaillé deux ans avec Claude Sautet et a l'impression de peser un peu dans la branche cinéma de Canal plus.Or, au début de l'année 2002, Gilles Kaehlin, responsable de la sécurité du groupe mais aussi de l'immobilier, décide de faire déménager l'équipe, logée à cinq minutes du siège, rue Lauriston, dans le 16e arrondissement de Paris."Je ne voyais pas pourquoi Kaehlin avait signé un bail de neuf ans rue Lauriston, explique Michel Rocher. C'était plus chic mais beaucoup plus cher et beaucoup moins pratique" Il comprend mieux lorsqu'il découvre qu'il y a une boutique au pied de l'immeuble, confiée, selon lui, à l'un des proches de Gilles Kaehlin, chargé de vendre des affiches de cinéma et les produits de marketing le marketing étant jusque-là de sa responsabilité. Michel Rocher soupçonne Gilles Kaehlin de vouloir lui retirer la direction technique et proteste régulièrement auprès de la direction. "J'ai tenu bon six mois, puis ils nous ont déménagés de force, sourit Michel Rocher. J'ai demandé l'arbitrage de la direction du groupe en décembre 2002, puis en janvier 2003. Je n'ai jamais eu de réponse." Mais le 20 janvier, il a l'impression d'être suivi par une Mercedes noire, puis le lendemain par une Fiat punto. Il note les numéros des plaques d'immatriculation et va déposer le 21 janvier une main courante au commissariat de Sèvres.Il a effectivement été suivi par l'agent secret. "J'ai filé M. Rocher du 6 janvier au 21, convient Pierre Martinet. On m'avait dit qu'il détournait l'argent de Canal pour monter des sociétés au Mexique." Il l'a filé chez lui, puis dans sa maison du Périgord, a planqué devant chez son ex-femme. Et s'est fait repérer. "J'en avais marre, explique l'ancien agent secret. Je prenais moins de précautions." Pierre Martinet a reçu 11 pages de listing d'appels du portable du technicien, du 1er au 16 janvier 2003, avec les bornes d'appel pour suivre ses trajets. Un document produit par l'opérateur, SFR, filiale de Vivendi, comme Canal.La chaîne a porté plainte le 28 mars contre Michel Rocher. On l'accuse d'avoir favorisé un laboratoire vidéo, VDM, à Courbevoie, où travaillait son ex-femme, en échange de matériel et de billets d'avion. "Cette histoire ne tient pas debout, je crois que je l'ai prouvé aux policiers, assure-t-il. Mais depuis deux ans, c'est dur." Il n'a toujours pas été entendu par la juge d'instruction.Quelle que soit l'issue de la procédure, le récit de Michel Rocher apportent incontestablement du crédit aux accusations de Pierre Martinet. L'ancien directeur technique a annoncé le dépôt d'une plainte dans les jours à venir.
