Nouveau Produit Un chèque sans garantie sur l'emploiLe chèque emploi service universel, lancé hier par Jean-Louis Borloo comme une arme antichômage, ne vise que des salariés précaires.Une «révolution équivalente à celle du téléphone portable». Hier, dans un entretien aux Echos puis lors de la présentation du chèque emploi service universel (Cesu), Jean-Louis Borloo n'a pas hésité à manier l'hyperbole pour vanter les mérites de la dernière invention made in rue de Grenelle, le siège du ministère de l'Emploi.Sur le même sujetLimitesLe Cesu, c'est simple et pratiqueDes plates-formes à tout faireUn petit créneau pour le bouillant BorlooA SavoirD'une utilisation simplifiée à l'extrême, correspondant à des besoins en croissance rapide, cofinancé par des tiers (employeurs, caisses de retraite, collectivités...), le Cesu a tout pour rencontrer le même succès que son illustre aîné, le ticket-restaurant et ses 600 millions de titres utilisés chaque année. Pour autant, sa réussite n'est pas acquise. Jean-Louis Borloo s'est bien gardé d'évoquer le chèque-vacances, dont l'utilisation reste très limitée plus de vingt ans après son lancement.Estimations. La vraie question est moins de savoir si le Cesu va booster le secteur des services à la personne, déjà en très forte croissance, que de mesurer son impact réel sur l'emploi. Le ministre n'hésite pas à prédire «1 à 2 millions d'emplois créés d'ici à 2010». Problème : les chiffres avancés par le ministre de la Cohésion sociale ne sortent pas des études de l'Insee, ni des services statistiques de son propre ministère (la Dares). «Ce sont les estimations des professionnels du secteur, explique-t-il, et ils considèrent qu'ils peuvent tripler en quatre ans le rythme actuel de créations d'emplois.» Sur la méthode de calcul, on n'en saura pas plus, sauf cette simulation : «Si chaque ménage consomme deux heures de services par semaine, 1 million d'emplois seront créés.»Or un rapport publié en mai 2005 par le commissariat général au Plan (Libération du 24 février 2005) soulignait la difficulté de mesurer précisément le nombre d'emplois sur le marché des services à la personne. En 2004, on estimait à 1,3 million les salariés travaillant dans ce secteur. Le problème est qu'il s'agit le plus souvent de temps très partiel : 2-3 heures par semaine pour le travail de gré à gré (baby-sitting, repassage à domicile, etc.) et 12-13 heures en moyenne quand les employés sont salariés par des structures organisées. Ainsi le 1,3 million de personnes représente en réalité 350 000 équivalents temps pleins. Et si l'objectif de 1 million d'emplois nouveaux d'ici à 2010 était atteint, cela équivaudrait à 250 000 salariés à temps plein.Travail au noir. Une partie de ces nouveaux emplois correspondrait sans doute à la régularisation d'un travail au noir endémique dans le secteur des services à la personne (environ 60 % de l'emploi total, selon l'Insee). Mais l'effet «blanchiment» du travail non déclaré risque d'être moins important que lors du passage à 5,5 % de la TVA dans le bâtiment. En effet, à la différence de ce qui se passe dans le BTP, c'est bien souvent le salarié qui demande à ne pas être déclaré dans les emplois de services afin de pouvoir cumuler son travail avec un revenu d'assistance.Offre. Il existe enfin une autre inconnue, qui rend très aléatoire l'effet «emploi» du Cesu et autres mesures en faveur des services à la personne : comment va se restructurer l'offre ? La demande des particuliers ne peut que se développer avec le vieillissement de la population et la banalisation de l'emploi féminin. Le Cesu va permettre de solvabiliser ces besoins. Mais comment l'offre va-t-elle se professionnaliser ? «La vraie difficulté sera de gérer la montée en puissance», admet Jean-Louis Borloo. Et si les professionnels du secteur pensent qu'il peut se développer très rapidement grâce à ces mesures sans doute à un rythme de plus de 10 % par an , certains, notamment dans le secteur associatif, se demandent comment ils vont pouvoir recruter des salariés qualifiés. Avec ou sans Cesu, une aide familiale expérimentée, ayant le permis, acceptant des horaires décalés et payée à peine plus que le Smic restera une perle rare.
