Annonce Un centre de clonage humain thérapeutique s'ouvre en Corée du Sud Cinq mois après avoir franchi une étape majeure dans la maîtrise du clonage dans l'espèce humaine, le professeur Wook Suk-hwang (université de Séoul) a, mercredi 19 octobre, annoncé la création du premier centre de recherche entièrement dévolu au développement de cette technique, ainsi que le lancement d'une fondation mondiale sur les cellules souches. Saluée par le président sud-coréen, Roh Moo-hyun, et financée par des fonds publics, cette initiative témoigne de la volonté de la Corée du Sud d'occuper au plus vite une position dominante dans ce domaine scientifique. Selon Gerald Schatten (université de Pittsburgh), biologiste proche de Wook Suk-hwang, ce centre produira, chaque année, une centaine de lignées de cellules souches embryonnaires correspondant chacune à une maladie humaine. Les Français exclus de cette initiative La création d'une fondation mondiale consacrée aux cellules souches embryonnaires, dont le siège est situé à l'université de Séoul, ne devrait pas concerner les équipes de biologistes français. L'un des décrets d'application de la loi de bioéthique du 6 août 2004 toujours en examen devant le Conseil d'Etat traite des conditions d'importation et d'exportation de tissus ou cellules embryonnaires à des fins de recherche. Le texte prévoit notamment "l'interdiction de l'importation de cellules embryonnaires prélevées sur un embryon humain in vitro créé ou constitué par clonage à des fins scientifiques ou thérapeutiques" (Le Monde du 1er juin). [-] fermer Vétérinaire de formation, le professeur Wook Suk-hwang a acquis une réputation internationale, au début de 2004. Il avait alors annoncé, en coopération avec un spécialiste américain, avoir créé des embryons humains par clonage. Il avait ensuite obtenu, à partir d'un embryon, des lignées de cellules souches capables de se différencier. FAIBLE RENDEMENT Ces travaux faisaient suite à ceux menés sept ans plus tôt avec le clonage de la brebis Dolly. Entre-temps, une équipe américaine d'Advanced Cell Technology a, en novembre 2001, prétendu avoir créé, grâce à cette technique, trois embryons humains. Mais cette nouvelle n'a jamais été confirmée, laissant au professeur Wook Suk-hwang et à son équipe la primeur de telles recherches. Reste que cette première sud-coréenne a fait preuve d'un très faible rendement de production. En effet, travaillant à partir de 242 ovocytes prélevés chez 16 femmes volontaires, ces biologistes ont pu créer par clonage 30 embryons. Ceux-ci ont alors été cultivés jusqu'au stade blastocyte. Mais 20 d'entre eux seulement ont produit des cellules souches et un seul a permis d'isoler et de cultiver des lignées de ces cellules. "Optimisée, cette technique (...) pourra être utilisée partout, pour tout ce que l'on désire en faire, commentait alors le professeur Axel Kahn, directeur de l'Institut Cochin de Paris (Le Monde du 13 février 2004). Ces résultats confirment les analyses sur les difficultés à fonder une médecine régénératrice à partir de cette méthode, compte tenu notamment du nombre très élevé des ovocytes nécessaires pour disposer des cellules souches nécessaires. Pour l'heure, ce gigantesque déploiement de moyens, de temps et d'argent rend improbable que cette technique constitue jamais une procédure médicale révolutionnaire accessible à un grand nombre de malades." Une série de progrès dans les opérations de manipulation des ovocytes, de leur énucléation et de transfert des noyaux provenant des cellules somatiques, ainsi que des améliorations des conditions de culture, ont permis à l'équipe sud-coréenne d'améliorer considérablement le taux de rendement de ses expérimentations. C'est ainsi que, quinze mois plus tard, la donne a radicalement changé, l'équipe annonçant être parvenue à une maîtrise quasi parfaite de cette technique. Les chercheurs expliquaient alors, sur le site de la revue Science , avoir obtenu et cultivé onze lignées de cellules souches immunologiquement compatibles avec les personnes chez lesquelles les cellules somatiques avaient été prélevées. S'inscrivant délibérément dans une approche thérapeutique, ces cellules avaient été prélevées chez des personnes souffrant de maladies dégénératives ou de lésions traumatiques de la moelle épinière. Sur ces onze lignées cellulaires, six avaient été obtenues à partir des ovocytes d'une seule donneuse. Et seuls deux échecs avaient été recensés. Aux yeux des spécialistes, cette publication fut une étape scientifique majeure immédiatement reproductible et exploitable en laboratoire. Du moins dans les laboratoires des pays qui autorisent la création par clonage d'embryons humains à des fins de recherche fondamentale ou d'application thérapeutique. C'est notamment le cas de la Corée du Sud, de la Grande-Bretagne, de la Belgique et de la Suède, qui encadrent la pratique du clonage à visée thérapeutique et prohibent le clonage reproductif. En collaboration étroite avec des scientifiques britanniques et américains, Séoul souhaite aujourd'hui fédérer les recherches menées dans ce domaine en établissant un réseau international de collaboration avec les meilleurs spécialistes. Le développement de cette initiative va rapidement soulever d'épineuses questions dans les pays qui, comme la France, ont interdit par voie législative toute recherche menée à partir du clonage à visée thérapeutique. Dans le dernier numéro du New England Journal of Medicine (daté du 20 octobre), le docteur Susan Okie, éditorialiste du prestigieux hebdomadaire, souligne le très vif intérêt que de nombreux biologistes américains qui ne peuvent bénéficier sur ce thème d'un financement fédéral de leurs travaux portent à l'initiative sud-coréenne. Une initiative a priori promise à un grand avenir.