Condamnation Un an de prison ferme requis contre cinq des prévenus français de GuantanamoUn jour d'août 2001, un convoi de véhicules 4x4 a fait irruption dans le camp d'Al-Farouk, installé en plein désert, à une heure de route de Kandahar, en Afghanistan. Entouré de gardes du corps en armes, Oussama Ben Laden est descendu d'une jeep. "Ce jour-là, il y en avait qui étaient super-excités", a raconté Mourad Benchellali, lundi 10 juillet, devant le tribunal correctionnel de Paris. Cinq condamnations requisesCinq ans de détention, dont quatre avec sursis, ont été requis contre Brahim Yahel, le seul prévenu à être encore en détention provisoire, du fait de ses "antécédents terroristes". A l'encontre des quatre autres prévenus, Mourad Benchellali, Nizar Sassi, Khaled Ben Mustapha, Redouane Khalid, la procureure Sonya Djemni-Wagner a réclamé quatre ans de détention, dont trois assortis du sursis, afin qu'ils ne "retournent pas en détention".Au cours d'un réquisitoire de plus de deux heures, elle a indiqué "ne pas pouvoir ne pas prendre en compte la détention anormale de Guantanamo" tout en demandant aux juges de "dire qu'ils sont coupables".En revanche, pour Imad Achhab Kanouni, contre lequel pesaient les présomptions les plus légères, elle a estimé "ne pas pouvoir requérir de peine". (- Avec AFP.)[-] fermerLe "cheik" Oussama a prononcé un discours en arabe, une diatribe "contre les mécréants, contre l'Occident et contre les Américains", que le jeune Français a dû se faire traduire par un ami. Le chef terroriste a également parlé "d'attentats-suicides". "Là, j'ai été choqué. Je me suis dit : "Sauve qui peut"", assure Mourad Benchellali, qui - à l'en croire - aurait alors volontiers pris la fuite. Mais un tel projet paraissait inconcevable : "On était isolés du monde et l'émir nous avait prévenus : on ne partirait qu'une fois l'entraînement militaire terminé, sauf si on tombait malade."Au quatrième jour du procès des six anciens détenus français du camp américain de Guantanamo, qui comparaissent pour "association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme", le tribunal s'est intéressé à leur itinéraire afghan.Tous ont séjourné pendant une brève période à Kaboul, dans la Maison des Algériens, passage obligé pour nouer les contacts avec les filières d'accès aux camps d'entraînement. Celui d'Al-Farouk était financé par Oussama Ben Laden lui-même.Selon Mourad Benchellali, le voyage en autocar entre Kandahar et le camp avait des allures de départ en colonie de vacances. "Tout le monde était joyeux. On chantait des chansons d'encouragement, l'équivalent en arabe d'Elle descend de la montagne à cheval", dit-il sans rire.A écouter le récit d'un autre prévenu, Brahim Yadel - le seul encore en détention -, le camp d'Al-Farouk pouvait accueillir "environ 200 combattants" qui étaient hébergés sous des tentes. Les volontaires effectuaient le tassissi, la formation militaire de base, pendant quarante jours. La discipline et le mode de vie y étaient rudes, "mais on ne tirait pas plus d'une quinzaine de balles", assure-t-il.Réveillés une à deux heures avant le lever du soleil, les apprentis djihadistes démarraient la journée par la prière. Suivaient des exercices physiques (jogging, marches d'orientation) puis une partie théorique composée "de cours en arabe et de discours". La nourriture était frugale, la chaleur torride en cet été 2001. "Ils nous mettaient dans des conditions extrêmes pour sélectionner les plus motivés", explique Mourad Benchellali.Brahim Ben Yadel se souvient d'"hommes masqués qui s'entraînaient à l'écart" : "Ils faisaient des trucs bizarres. Je n'ai pas de preuves matérielles, mais j'en déduis que c'était pour organiser des actes terroristes."Selon les anciens stagiaires français du camp - au nombre de trois avec Nizar Sassi -, leurs coreligionnaires se destinaient au djihad en Afghanistan, aux côtés des talibans, ou en Tchétchénie, contre les Russes. "Ils n'étaient pas tous volontaires. J'ai connu un Yéménite que son père avait envoyé là parce qu'il se livrait au trafic de drogue", a affirmé Mourad Benchellali.Brahim Ben Yadel a connu d'autres camps. "Ceux qui les fréquentaient en 2001 savaient que c'était pour le djihad ou pour le terrorisme", estime-t-il. Son apprentissage de l'usage des armes automatiques et des canons achevé, il a suivi une "formation électronique". "Je pensais que ça pouvait être un plus. Que cela pourrait me servir pour maîtriser les schémas dans le but de déclencher quelque chose à la fin", a-t-il déclaré. Arrivé à Kaboul en mars 2000, il a eu l'occasion de rencontrer Oussama Ben Laden : "Il est arrivé au moment de la prière. Ça a été très rapide".Tous ont quitté l'Afghanistan après les attentats du 11-Septembre. Interceptés par des Pakistanais, ils ont été vendus aux Américains pour la somme de 5 000 dollars par tête.
