Accord Un accord sur le Sud-Soudan met fin à la plus vieille guerre d'Afrique La signature, après deux ans de négociations entre Khartoum et les rebelles, d'un cessez-le-feu permanent, vendredi 31 décembre, devait permettre la mise en place d'un Etat fédéral, un référendum d'autodétermination étant prévu dans six ans. Mais le conflit du Darfour jette une ombre sur ce compromis.La plus ancienne guerre de l'Afrique devait prendre fin, vendredi 31 décembre, avec la signature d'un "cessez-le-feu permanent" entre le nord et le sud du Soudan, le plus vaste pays du continent, qui a seulement connu onze ans de paix - entre 1972 et 1983 - depuis son indépendance en 1956. Au cours des deux dernières décennies du conflit, selon des estimations qui n'indiquent guère que des ordres de grandeur, 2 millions de Soudanais sont morts et deux fois plus d'habitants ont été chassés de leurs foyers, du fait des combats ou de leurs conséquences.En signant le dernier d'une longue série de protocoles d'accord, le représentant du pouvoir central à Khartoum, le vice-président Ali Osman Taha, et le chef du mouvement rebelle du Sud, le général John Garang, respectent l'engagement pris, le 19 novembre, devant le Conseil de sécurité de l'ONU de mettre un terme irrévocable à la belligérance "le 31 décembre 2004 au plus tard", soit la date d'expiration d'une trêve conclue il y a deux ans. Depuis, les deux parties ont négocié l'avenir du Soudan en terre kenyane neutre, à Naivasha, à 80 km de Nairobi.La médiation kenyane a annoncé, jeudi soir, qu'un "accord complet, incluant tous les protocoles et les annexes" négociés depuis 2002, serait signé lors d'une cérémonie solennelle, le 9 janvier à Nairobi, devant les représentants de la communauté internationale. L'accord global porte sur la mise en place d'un Etat fédéral pour une période transitoire de six ans, sanctionnée par un référendum d'autodétermination dans la moitié sud du pays. En attendant ce vote, le pouvoir et les ressources du Soudan doivent être équitablement partagés.Les Etats-Unis sont le principal parrain de cette architecture de la paix. Alliés de longue date de l'Armée populaire de la libération du Soudan (SPLA) du colonel Garang, ils ont mis sous pression le régime de Khartoum, auquel ils ont imposé des sanctions économiques. Si l'aboutissement des négociations intersoudanaises constitue indéniablement un succès pour la diplomatie américaine, Washington est désormais dans la position paradoxale de sanctifier, comme signataire d'une paix conclue sous sa houlette, un régime par ailleurs condamné comme étant en train de perpétrer un "génocide" dans l'ouest du Soudan, au Darfour...Cette contradiction est d'autant plus brûlante que la guerre entre le Nord et le Sud a été émaillée par les mêmes exactions qui ont lieu dans l'ouest depuis février 2003 : l'emploi de milices tribales par le gouvernement et, des deux côtés, la prise en otage de la population civile, qui est au besoin affamée ou massacrée.Perçue comme un conflit ethnico-religieux entre le Nord "majoritairement arabe et musulman" et le Sud "négro-africain, chrétien ou animiste", la guerre qui vient de trouver une solution négociée s'est doublée à la fin des années 1970, en raison de la découverte d'importants gisements pétroliers, d'un enjeu économique : des réserves d'or noir estimées à 2 milliards de barils. En 2004, le Soudan a produit 350 000 barils par jour. Cette rente pétrolière a fourni la moitié de ses recettes à l'Etat.Désormais, ce pactole, de même que l'armée fédérale et le pouvoir central, seront partagés entre le régime du général président Omar Al-Bachir et les ex-rebelles de la SPLA. Celle-ci quadrillera le Sud d'une administration "semi-autonome", habilitée à frapper sa monnaie et à maintenir son armée. Ce déséquilibre, issu du parti pris américain qui a lourdement pesé sur les négociations, hypothèque la mise en œuvre de l'accord de paix.Les défis de l'avenir sont encore plus vertigineux dans le Sud, exempté de la loi coranique, que dans le Nord, où la charia continuera d'être appliquée aux musulmans. C'est en effet dans la moitié du pays détruite, dépourvue d'infrastructures et d'encadrement étatique, que vont vouloir se réinstaller des centaines de milliers d'habitants du Sud chassés par la guerre. Plus de 4 millions se sont réfugiés au Nord, notamment dans la "ceinture de la misère" autour de Khartoum, ou dans l'exil. Seuls quelque 8 millions sont restés sur la terre brûlée de la rébellion.
