Crise Ukraine: la communauté internationale salue la victoire de la démocratie, M. Ianoukovitch porte plainte Alors que le candidat prorusse, Viktor Ianoukovitch, déclare que 4,8 millions d'électeurs n'ont pas pu voter dimanche 26 décembre, l'UE et Washington ont salué une élection "libre et démocratique" en Ukraine. Viktor Ianoukovitch, a déclaré, lundi 27 décembre, qu'il ne reconnaîtrait jamais sa défaite à la présidentielle de dimanche en Ukraine en raison, selon lui, de violations lors du scrutin. "Je ne reconnaîtrai jamais une telle défaite car la Constitution et les droits de l'homme ont été bafoués", a déclaré le candidat prorusse, lors d'une conférence de presse à Kiev retransmise en direct à la télévision. Il a, de plus, déclaré qu'il allait demander à la Cour suprême d'annuler le vote pour des violations de la Constitution. "Ma demande à la Cour suprême sera qu'elle réexamine le vote et annule son résultat", a-t-il déclaré. Par ailleurs, il a confirmé qu'il n'allait pas appeler ses partisans à descendre dans la rue sur le modèle des manifestants de la "révolution orange" mobilisés par l'équipe de M. Iouchtchenko. Le premier minsitre sortant a affirmé vouloir poursuivre son action "uniquement par les voies légales", tout en ajoutant qu'il "n'excluait pas" que des groupes de ses partisans dans les régions engagent "spontanément" des protestations. Dénonçant "la mort de 8 personnes" causée, selon lui, par des modifications de la loi électorale imposées par l'opposition (pour empêcher les fraudes) annoncées tardivement, ce qui a empêché le vote à domicile de personnes malades et âgées, M. Ianoukovitch a affirmé aussi que 4,8 millions d'électeurs "n'ont pu voter, ont été repoussés et humiliés". "Nos observateurs ont enregistré 4 971 plaintes" d'électeurs, a-t-il encore ajouté. Aucune indication sur un nombre aussi considérable de citoyens privés du droit de vote n'a été fournie lundi par les observateurs internationaux, tant ceux venus d'Occident que ceux de la CEI. "MOMENT HISTORIQUE POUR LA DÉMOCRATIE" Au lendemain de ce "troisième tour", le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, a salué un "moment historique pour la démocratie". Il a souligné que le peuple ukrainien paraissait avoir eu la possibilité de choisir son propre gouvernement, ajoutant que l'élection semblait avoir été "complète et libre". "Les Ukrainiens peuvent être fiers de cette réalisation", a-t-il ajouté. Dans l'attente de la confirmation officielle de la victoire de Viktor Iouchtchenko, d'autres responsables américains affichaient une satisfaction prudente. "Nous sommes contents de voir que cette fois, le peuple ukrainien semble avoir eu la possibilité d'exprimer sa volonté dans le cadre d'une élection libre et démocratique", a déclaré un haut responsable américain sous le sceau de l'anonymat. "Bien que les résultats n'aient pas été certifiés, il semble que le peuple ukrainien ait pu choisir librement son président", a dit un autre responsable. "L'OSCE a dit que le vote était proche des normes démocratiques internationales et nous félicitons les Ukrainiens à ce sujet. Le soutien apparemment apporté à Iouchtchenko donne à penser qu'il y a de la part des Ukrainiens un désir de plus grande intégration à l'Occident", a-t-il ajouté. "TRAVAILLER ENSEMBLE" Les Européens, qui s'étaient mobilisés pour la tenue d'un troisième tour à l'élection présidentielle en Ukraine, ont également salué le bon déroulement du scrutin et la victoire du candidat pro-occidental, mais restent prudents sur les perspectives à offrir à Kiev. Soucieux de ne pas heurter Moscou, qui soutenait Viktor Ianoukovitch, les dirigeants de l'UE sont restés mesurés et ont appelé les deux parties à travailler ensemble pour préserver l'unité d'un pays profondément divisé. Tous ont soigneusement attendu pour réagir au feu vert de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) qui a jugé que le peuple ukrainien avait "franchi un grand pas en avant vers des élections libres et honnêtes", en se rapprochant des "normes européennes". Premier à s'exprimer, le président polonais, Aleksander Kwasniewski, qui avait participé à la médiation internationale à Kiev après le second tour frauduleux de l'élection, le 21 novembre, s'est déclaré "satisfait de voir l'Ukraine sortir avec succès de sa crise politique". Partisan d'une adhésion à terme de l'Ukraine, M. Kwasniewski a qualifié la victoire de Viktor Iouchtchenko de "bon choix pour l'Ukraine et pour ses relations avec la Pologne et l'Union européenne". Indiquant avoir "suivi de très près" le scrutin, le haut représentant pour la politique étrangère de l'UE, Javier Solana, qui avait accompagné à Kiev M. Kwasniewki et le président lituanien, Valdas Adamkus, s'est, lui réjoui, de la très forte participation et du faible nombre d'incidents signalés. Les dirigeants "devront continuer à travailler ensemble pour la prospérité de leur pays en bonne intelligence avec leurs voisins", a-t-il souligné, sans citer la Russie. Le premier ministre néerlandais, Jan Peter Balkenende, dont le pays préside l'UE jusqu'au samedi 1er janvier, a renchéri en appelant "tous les partis et institutions à coopérer pour consolider la démocratie" en Ukraine. Le président de la Commission européenne, José Menuel Durao Barroso, a évoqué la perspective "d'une coopération renforcée avec l'Ukraine, faisant plein usage du plan d'action prévu dans le cadre de la 'politique de voisinage' de l'Union". Cette politique de voisinage vise à tisser des relations étroites avec les pays limitrophes ou proches de l'Union, après son élargissement du 1er mai, mais elle se veut distincte de toute perspective d'adhésion pour ces pays, qui n'est pour l'instant soutenue ouvertement que par la Pologne et la Lituanie. La commissaire aux relations extérieures, Benita Ferrero-Waldner, a d'ailleurs annoncé son intention "de se rendre rapidement en Ukraine pour préparer le terrain de ce plan d'action". Plusieurs experts sont cependant restés prudents sur les conséquences à tirer de cette élection. "La question est de savoir maintenant comment Iouchtchenko va traduire cette victoire en termes de rapprochement avec l'Ouest et avec la Russie", souligne Thomas Gomart, chercheur à l'Institut français des relations internationales (IFRI)."Je n'imagine pas une Ukraine tournant le dos à la Russie, à cause de l'étroitesse des liens entre les deux pays", ajoute-t-il. Viktor Iouchtchenko n'est pas non plus "un pur démocrate", juge Frank Golczewski, professeur de l'université de Hamburg. "Il ne faut pas oublier qu'il a aussi été premier ministre sous le président Koutchma."