Annonce Transgénisme musical à Rennes Le centre de la Bretagne possède deux festivals musicaux aux antipodes : en été, les Vieilles Charrues de Carhaix, exposition de grosses cylindrées, et en hiver, les Transmusicales de Rennes, qui misent sur les découvertes. Pari rennais gagné qui écarte les gros cachets sans vider les salles. Gâté et curieux, le public s'instruit des dernières nouveautés. On pouvait le vérifier vendredi 8 décembre, dès l'heure du goûter. La Salle de la Cité débordait pour accueillir les Sierra Leone's Refugee Allstars, un groupe encore inconnu récemment. Il s'est constitué dans un camp de réfugiés en Guinée et chante la douleur de l'exil sur le tempo du reggae. Révélée par un documentaire, l'épopée de cette formation a reçu le renfort de stars du rock comme Keith Richards ou Paul McCartney. ZAPPER À SA CONVENANCE Plus surprenants dans ce transgénisme musical qu'aime le festival sont Nicole Willis & The Soul Investigators. A première vue, un orchestre et une revue dans la tradition du rhythm'n'blues des années 1960, à Detroit ou à Memphis. Sauf que nous sommes en 2006 et que les musiciens sont finlandais. L'illusion est pourtant parfaite : chanteuse noire en robe et bras découverts, gros filets d'orgue Hammond, pétaradante section de cuivres. A ce projet sympathique mais passéiste manque l'essentiel : le groove, pour lequel les Scandinaves accusent un train de retard. Le soir, il faut quitter le centre-ville. Les concerts sont concentrés au Parc expo Rennes Aéroport, aussi sexy que celui de la porte de Versailles. Entre trois halls ouverts aux quatre vents, on peut zapper à sa convenance. Si les Français d'Orville Brody and Goodfellas constituent une autre incongruité - ils jouent de la country au pays de l'antiaméricanisme -, les surprises se font rares et révèlent les limites de l'exercice. Exemple : The Bishops, trio de Londoniens énervés que l'on trouvera excitants si l'on n'a jamais entendu The Jam. Qu'importe, les Transmusicales, qui prendront fin dans la nuit du samedi 9 au dimanche 10 décembre, apportent aussi du rêve aux musiciens : le guitariste des Strokes, Albert Hammond Jr., joue sous son propre nom devant une affluence qu'il ne connaîtra sans doute jamais. Ce dont l'Américaine Cat Power, pourtant tête d'affiche de cette 28e édition, s'étonnait avant son concert du 7 : "C'est trop grand pour nous."