Scandale Touché par un scandale, David Blunkett reçoit le soutien de Tony Blair Nul n'échappe, en Grande-Bretagne, à la curiosité, un rien perverse, d'une presse toujours prête à lever le voile sur la vie privée des personnages en vue. La dernière victime de ce goût médiatique pour l'indiscrétion est l'une des figures centrales du gouvernement de Tony Blair : David Blunkett, 57 ans, ministre de l'intérieur et aveugle de naissance, connu pour son franc-parler très peu politiquement correct, son bon sens populaire, sa force de caractère et sa fidèle chienne Sadie, un labrador noir qui ne le quitte jamais. L'affaire a éclaté en première page de l'hebdomadaire conservateur Sunday Telegraph. Ce journal dominical a accusé le ministre d'avoir abusé de son autorité pour faciliter l'obtention d'un visa permanent au profit de la nourrice philippine employée par son ancienne amante, Kimberly Fortier-Quinn, une femme mariée, directrice du magazine politique de droite The Spectator, propriété, comme le Telegraph, des mystérieux frères Barclay.Le ministre, qui est divorcé, et la journaliste ont entretenu pendant trois ans une liaison amoureuse qui a débuté deux mois après le remariage de cette dernière et s'est achevée il y a deux mois. Apparemment désireuse de régler ses comptes avec David Blunkett, Kimberly Fortier-Quinn, 43 ans, a transmis au Telegraph un courriel adressé à une amie, restée anonyme, et qui évoque le service que lui aurait rendu le ministre.Ce dernier a immédiatement démenti l'accusation. Il affirme s'être borné à vérifier que le formulaire de demande de résidence permanente était rempli correctement, mais que le dossier avait ensuite suivi la procédure normale. Pour prouver sa bonne foi, il a ordonné l'ouverture d'une enquête indépendante qui a été confiée lundi 29 novembre à Sir Alan Budd, un ancien haut fonctionnaire, devenu principal d'un collège d'Oxford. M. Blunkett s'est dit "très attristé que quelqu'un qui [lui] était si cher tente, de manière trompeuse, de ruiner [sa] carrière publique"."UN MINISTRE DE PREMIER ORDRE"L'ex-maîtresse a lancé plusieurs autres accusations, moins graves, contre le ministre que celui-ci a facilement balayées. Aurait-il offert à son amie un billet de train de première classe ? Ce "cadeau", qu'il reconnaît, était parfaitement légal. A-t-il mis à sa disposition sa voiture et son chauffeur pour la conduire chez elle, au centre de l'Angleterre ? Exact, mais le chauffeur aurait de toute façon fait ce voyage à vide pour des raisons de service. S'est-elle rendue en Espagne avec lui, escortée par des gardes du corps ? Tout à fait, répond le ministre, mais ces derniers étaient là pour le protéger lui, et non elle.Au Royaume-Uni, l'on ne badine pas avec les abus de pouvoir et les conflits d'intérêts, qui, prouvés ou non, ont dans le passé poussé à la démission plus d'un ministre, notamment, en 2001, l'actuel commissaire européen au commerce, Peter Mandelson, soupçonné d'avoir aidé deux hommes d'affaires indiens à obtenir des passeports britanniques. Interrogé une bonne dizaine de fois lundi sur cette affaire, au cours de sa conférence de presse mensuelle, Tony Blair a rappelé que "les hommes politiques ont droit comme tout le monde à une vie privée". Il a exprimé sa "totale confiance" à M. Blunkett, "qui a été, qui est, et qui continuera d'être un ministre de l'intérieur de premier ordre".Reste à savoir pourquoi la journaliste en veut tant au ministre. Ayant rompu avec lui, elle n'aurait pas apprécié qu'il prétendît être le père de William, son enfant de deux ans, et de celui dont elle est actuellement enceinte. David Blunkett aurait demandé un examen ADN pour attester sa paternité, ce que son ancienne maîtresse et son mari refuseraient absolument.
