Changement Tony Blair réaffirme son autorité en remaniant rapidement et largement son gouvernementce n'est pas un simple remaniement, c'est un véritable remue-ménage. Avant même de connaître, vendredi 5 mai, l'exacte ampleur de la défaite travailliste aux élections locales anglaises de la veille, Tony Blair a réagi vite et fort en modifiant en profondeur la composition de son équipe. Sur les 23 membres de son cabinet, 6 seulement ont été épargnés par ces mouvements massifs qui entraînent le départ ou le changement d'attributions de plusieurs poids lourds du gouvernement. Margaret BeckettMargaret Beckett est la première femme nommée ministre des affaires étrangères au Royaume-Uni. A 63 ans, le chef de la diplomatie britannique est une survivante du travaillisme. Fille d'un charpentier et d'une mère au foyer catholique irlandaise, cette ingénieure de formation se lance très jeune en politique. Députée à l'âge de 31 ans, elle est conseillère du gouvernement de James Callaghan, perd son mandat en 1979, le retrouve en 1983, devient le numéro deux du Labour en 1992 et le leader de l'opposition par intérim pendant trois mois après la mort subite de John Smith, en 1994. Elle brigue sa succession, mais doit s'incliner devant... Tony Blair. Issue de la gauche du parti, restée membre du Syndicat de la métallurgie, elle est devenue une fidèle du premier ministre. Chargée de l'environnement depuis 2001, elle a remporté un succès diplomatique en décembre 2005 en obtenant des Etats-Unis qu'ils signent l'accord de Montréal sur le changement climatique.[-] fermerDeux hommes-clés ont été sanctionnés par Tony Blair, l'un avec rudesse, Charles Clarke, l'autre en douceur, John Prescott. Le premier, évincé du ministère de l'intérieur, se retrouve simple député après avoir refusé d'autres offres ministérielles. Principale victime expiatoire de l'échec électoral de jeudi, il était empêtré depuis deux semaines dans une incroyable affaire de prisonniers étrangers.Son ministère avait laissé s'évanouir dans la nature plus de 1 000 détenus - délinquants, voire criminels - dont l'expulsion aurait dû être envisagée au terme de leur peine. Sa compétence était mise en cause. Le mal étant fait, Charles Clarke pensait être le mieux placé pour réparer les dégâts. Tony Blair l'affirmait lui aussi il y a seulement deux jours. Il a changé d'avis, en tenant compte, a-t-il dit, "du niveau d'inquiétude justifiée du public". M. Clarke, visiblement amer, a regretté cette décision, tout en assurant qu'il resterait loyal envers M. Blair.John Prescott a sauvé la face : il reste vice-premier ministre et numéro deux du Parti travailliste, preuve que le ridicule en politique ne tue pas plus ici qu'ailleurs. Depuis la révélation de ses frasques extraconjugales avec une ancienne secrétaire, que celle-ci se fait un plaisir de commenter par le menu, il est la risée de la presse populaire.Il conserve ses titres, mais perd la plupart des compétences. Son "super-ministère", qui couvrait de nombreux domaines, n'est plus qu'une coquille vide. Le sauvetage du numéro deux du gouvernement répond à une nécessité tactique : il est l'indispensable intercesseur entre Tony Blair et son dauphin présumé, le ministre des finances, Gordon Brown, celui qui pourra favoriser, le jour venu, une transition harmonieuse entre les deux hommes.CRÉATION D'UN MINISTÈRE DE L'EUROPELe nouveau ministre de l'intérieur est John Reid, un Ecossais ultraloyal, travailleur et fort en gueule. Homme des missions difficiles, M. Blair l'utilise comme un "pompier" chargé d'éteindre les incendies, et qui vole, de ce fait, de ministère en ministère. Il laisse la défense à Des Browne, ancien numéro deux du Trésor.L'autre grand changement concerne la diplomatie. Elle sera pour la première fois dirigée par une femme, Margaret Beckett, 63 ans, ex-ministre de l'environnement. Elle remplace Jack Straw, qui dirigeait le Foreign Office depuis 2001. Il était après Tony Blair, le ministre le mieux connu à l'étranger, fonction oblige. Il aura défendu avec constance l'engagement britannique en Irak, ce qui ne l'a pas empêché de se faire réélire facilement en 2005 dans une ville à forte minorité musulmane. Nommé ministre en charge des relations avec les Communes à la place de Geoff Hoon, il aura le rôle-clé de persuader les députés de la nécessité de poursuivre les réformes.M. Hoon hérite du portefeuille des affaires européennes, promu ministère de plein droit. Europhile convaincu, il s'était retrouvé sur la sellette en 2003, en tant que ministre de la défense, lors de l'affaire Kelly, du nom de l'expert en armement retrouvé suicidé, avant d'être blanchi par la justice. Parmi les autres postes importants, l'éducation revient à Alan Johnson, le commerce à Alistair Darling, le gouvernement local à Ruth Kelly. Mme Hazel Blears est le nouveau président du Labour.La rapide contre-offensive de M. Blair poursuit plusieurs objectifs : réaffirmer son autorité, fut-ce un peu brutalement ; tirer un trait au plus vite sur l'échec de jeudi (selon les résultats définitifs, le Labour a perdu plus de 300 élus locaux) ; faire savoir qu'il n'a pas l'intention de quitter rapidement le pouvoir. Au total pourtant, son remaniement ressemble plus à un jeu de chaises musicales qu'à une refonte radicale.Hormis la promotion de deux jeunes, David Miliband (environnement) et Douglas Alexander (transports), M. Blair a injecté peu de sang neuf dans son équipe. Il s'est surtout employé à resserrer autour de lui sa garde prétorienne. D'où ce commentaire d'un de ses vieux adversaires de la gauche travailliste, Frank Dobson : "Cela revient à réorganiser les chaises longues sur le pont du Titanic alors que nous avons besoin d'un nouveau capitaine."
