Mort de Toni Grand
Mort Toni Grand, sculpteur françaisLe sculpteur français Toni Grand est mort mardi 29 novembre, en Arles. Il était âgé de 70 ans.En 1986, à l'occasion d'une exposition dans ses Galeries contemporaines, le Centre Pompidou avait publié un catalogue consacré à l'artiste. Sa biographie, telle qu'il avait souhaité qu'elle soit présentée, tenait en une demi-page. Il y mentionnait sa naissance en 1935 à Gallargues-le-Montueux (Gard), quinze ans de "petites études" entre 1942 et 1957, trois ans en Algérie, son mariage, puis, sans autre précision, sa présence à la 5e Biennale de Paris en 1967 et "1968 : Paris et les débats du moment".Cette manière de se raconter, évasive jusqu'au secret, était à son image : indifférent à toute publicité, Toni Grand a accompli une oeuvre exemplaire sans le dire, sans faire effort pour la montrer et l'expliquer. Ses essais de sculpteur les plus anciens, "du bricolage sans importance" selon lui, remontent aux années 1950. Expériences solitaires d'un autodidacte provincial qui fait l'expérience du fer et connaît mal l'art de son temps, elles sont sa première éducation artistique. Il est ensuite reçu comme assistant chez des sculpteurs parisiens dans les années 1960, en particulier chez Marta Pan. Il y perfectionne ses connaissances techniques et y médite ses premières oeuvres en plomb, en aluminium ou en acier, qu'il expose en 1967 à la Biennale de Paris.Ces matériaux sont vite remplacés par le bois : de la fin des années 1960 à celle des années 1970, Toni Grand travaille la branche, le tronc ou la planche. Chaque pièce balance entre la brutalité des formes naturelles — celles de l'arbre et de ses ramures — et la complexité des opérations que l'artiste accomplit, refentes parallèles totales ou partielles, écorçages et équarrissages incomplets, assemblages si légers qu'ils semblent voués à s'effondrer, torsions et collages.Plus qu'aux travaux du groupe Supports-Surfaces, auxquels il a été souvent associé par les historiens malgré ses démentis et l'évidence des différences, c'est à la pratique poétique subtile de Giuseppe Penone qu'il conviendrait de comparer cette partie de son oeuvre, pour sa paradoxale alliance de primitivisme et d'élaboration savante. Elle est montrée régulièrement à partir de 1974 dans la galerie d'Eric Fabre à Paris et chez Albert Baronian à Bruxelles. En 1982, Toni Grand est invité à partager le pavillon français à la Biennale de Venise avec le peintre Simon Hantaï. Il n'y présente pas ses constructions complexes et aériennes des années 1970, mais un ensemble de simples colonnes cylindriques où le bois est associé au stratifié, nouvelle manière de jouer des relations entre le naturel et l'artificiel, mais aussi avec la densité et la lumière.DES CONGRES DANS LA RÉSINECes colonnes ouvrent une troisième période, celle du stratifié et des résines synthétiques. Toni Grand ne découpe ni n'assemble plus : il ramasse, associe et enrobe. Des pierres, des os, du bois sont ainsi réunis au gré des promenades autour de son atelier à Mouriès (Bouches-du-Rhône) puis enveloppés dans le matériau qui durcit et qui peut être étiré et modelé par le sculpteur.Ils y disparaissent souvent, ou ne sont plus que vaguement visibles, comme des fantômes qui auraient été englués. Le minéral, le végétal et l'organique se confondent. On dirait que l'artiste veut agir comme les éléments et le temps, par la fossilisation du vivant dans la matière immobile. On le croirait d'autant plus que Toni Grand pousse l'expérience aussi loin que possible : à partir de la fin des années 1980, ce sont des anguilles et des congres trempés dans la résine qui déterminent la taille et le dessin de chaque pièce. Entre nature et sculpture, il n'y a plus guère de distance.Ces oeuvres expérimentales ont été montrées à la Galerie nationale du Jeu de paume en 1994 pour ce qui fut la dernière occasion d'avoir des nouvelles de cet artiste profondément singulier.