Exposition Tintin réclamé par le public de l'exposition"Made in Belgium" à BruxellesQuatre mille objets évoquant la Belgique et une absence incroyable : celle de Tintin, mille sabords ! Il faut imaginer la tempête de protestations à laquelle ont dû faire face les organisateurs de "Made in Belgium", l'exposition grand public censée résumer les 175 ans de l'histoire du royaume et qui se tient, jusqu'au 8 septembre, à Bruxelles.Une dizaine de jours après une ouverture en grande pompe par le roi Albert II et la reine Paola, le 7 mars, il a donc fallu introduire à la sauvette quelques objets célébrant le héros national, d'abord écarté de cette grand-messe nationale, à l'instar du capitaine Haddock, de la Castafiore ou du professeur Tournesol, par l'effet de querelles ubuesques, où le lucre et la vanité tiennent une grande part. Tintin et ses amis n'étaient donc pas là tandis que les visiteurs pouvaient contempler les défuntes motocyclettes Demoiselle, une banale raquette de tennis de Justine Henin-Dardenne, un costume de Benoît Poelvoorde ou la prétendue épée de Godefroi de Bouillon... Le public belge s'est offusqué puis a eu droit à des explications : c'est en raison d'un conflit virulent entre René Schyns, le commissaire de l'exposition, et Nick Rodwell, le patron de la Fondation Hergé, époux de la veuve du dessinateur et gardien inflexible des droits et de la marque déposée Tintin, que le reporter du "Petit XXe" a été banni.René Schyns affirme s'être heurté au refus de la Fondation lorsqu'il a manifesté l'intention de montrer au public une fusée lunaire de 6 mètres dessinée par le père de Tintin. Les garants des droits d'Hergé disent pour leur part avoir proposé des oeuvres d'Hergé qui n'auraient même pas été examinées. Affirmant qu'il risquait de se voir interdire la simple mention du nom d'Hergé, René Schyns a adopté une attitude radicale, en retirant les albums prévus dans une vitrine des éditions Casterman. Le public, incrédule, a manifesté son incompréhension. "Tintin n'appartient pas à quelques personnes imbues de leur souveraineté tintinesque : il nous appartient parce qu'il fait partie de notre imaginaire collectif", a relevé le journaliste tintinologue Jean-Claude Vantroyen. Une statue du petit reporter et des planches originales composées en 1937, à l'encre de Chine ou au crayon, par Hergé ont donc finalement fait leur apparition. La Fondation Hergé ne devrait pas, en principe, pouvoir s'opposer à l'exposition de ces originaux émanant de collections privées. "Made in Belgium" aura, en tout cas, échoué à faire revivre dignement le mythe de Tintin, qui a, lui, largement dépassé le cadre étroit du royaume.
