Annonce Téhéran reprend ses activités nucléaires, au risque d'une crise L''Iran a commencé, lundi 1er août, à Ispahan (centre du pays) des préparatifs pour la reprise d'activités nucléaires ultra-sensibles, malgré les mises en garde internationales contre une décision pouvant conduire le pays devant le Conseil de sécurité de l'ONU. "Les agents de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et nos experts sont en train de travailler, de contrôler les caméras [de surveillance], pour pouvoir lever les scellés" que l'AIEA a posés fin 2004 sur l'usine de conversion d'uranium d'Ispahan, a déclaré Ali Agha Mohammadi, un porte-parole du régime, sur la télévision d'Etat. "C'est un travail pratique et de routine qui est en train d'être mené, mais de notre point de vue, Ispahan a déjà redémarré", a-t-il dit, parlant d'un "jour historique". L'Iran a informé lundi matin l'AIEA, à Vienne (Autriche), qu'il souhaitait reprendre le jour même des activités nucléaires ultra-sensibles. "Nous avons remis la lettre annonçant la reprise de nos activités", a déclaré Ali Agha Mohammadi. RISQUE DE RUPTURE AVEC L'UE La lettre de l'Iran, qui invoque le "droit inaliénable de la République islamique", accuse l'Union européenne d'avoir voulu faire de la suspension de telles activités un "fait accompli". "Il est désormais évident que les négociations ne progressent pas comme cela était prévu dans l'accord de Paris (14 novembre 2004) à cause de la politique de l'UE3 (Allemagne, France et Royaume-Uni), qui consiste à faire durer les discussions sans la moindre tentative de leur part de respecter leurs engagements", dit la lettre iranienne. L'Iran prend ainsi le risque de la rupture de ses négociations avec l'UE, qui préférerait le dialogue à la confrontation prônée par les Etats-Unis, et d'un renvoi devant le Conseil de sécurité. "Si l'Iran ne revient pas sur son choix, alors nous devons demander une réunion exceptionnelle du conseil des gouverneurs de l'AIEA (...). Si, malgré cela, l'Iran continuait, il nous faudra saisir le Conseil de sécurité", a déclaré le ministre des affaires étrangères français, Philippe Douste-Blazy. "S'ils ne respectent pas leurs engagements et leurs obligations, nous devrons alors regarder du côté du Conseil de sécurité", a prévenu de son côté le porte-parole de la Maison Blanche, Scott McClellan. Le directeur général de l'AIEA, Mohamed ElBaradei, et les Européens ont donc exhorté les Iraniens à ne pas reprendre la conversion, en invoquant les propositions de coopération que l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne devaient soumettre à l'Iran sous quelques jours pour le convaincre de maintenir la suspension. Mais la seule chose qui a été obtenue de l'Iran est le report de deux jours de la levée des scellés posés par l'AIEA sur l'usine de conversion d'uranium d'Ispahan. L'AIEA a en effet signifié qu'avant de lever les scellés, elle devait installer "des équipements supplémentaires de surveillance" et que cela ne serait pas faisable dans l'immédiat. DES NÉGOCIATIONS QUI DURENT DEPUIS DÉCEMBRE L'UE3 négocie depuis décembre 2004 avec l'Iran pour obtenir les garanties que Téhéran, suspect après des années de dissimulations, ne fabriquerait pas l'arme nucléaire. Elles lui offrent en contrepartie une coopération nucléaire, commerciale et politique. Les Européens ne cachent pas qu'un renoncement définitif de l'Iran à l'enrichissement d'uranium et à son préalable, la conversion, constitue la garantie la plus probante. Hautement enrichi, l'uranium peut en effet servir à fabriquer la bombe atomique. L'Iran a suspendu en novembre 2004 toutes ses activités liées à l'enrichissement, dont la conversion. Mais, après des mois de tumultueuses tractations, il a mal pris que, selon ses informations, les prochaines propositions européennes ne lui reconnaissent pas le droit à l'enrichissement. Téhéran, considérant que la conversion ne relève pas de l'enrichissement, "maintiendra la suspension volontaire de toutes ses activités liées à l'enrichissement", dit le texte envoyé à l'AIEA. Si la République islamique laisse entendre que l'enrichissement lui-même recommencera à terme en assurant que cela n'entravera pas les négociations avec l'UE, la reprise de la conversion constitue pour les Européens une rupture de l'accord existant. "Je demande à l'Iran de continuer le processus de négociations" avec l'UE, a déclaré M. ElBaradei. L'Iran doit éviter "toute action susceptible de menacer le processus à ce stade critique", a-t-il précisé. "Nous espérons que de nouveaux pas ne seront pas franchis dans les jours prochains qui mettraient en danger une solution négociée", a indiqué, quant à lui, un porte-parole de la Commission européenne. De son côté, M. King, chef d'une délégation parlementaire américaine en visite à Vienne auprès de l'AIEA, a dit :"Pour notre délégation, comme pour notre gouvernement, cela est source de grave inquiétude. Il n'y a aucune raison pour que l'Iran n'attende pas une semaine de plus les propositions de l'Union européenne."