Annonce Technologies Pannes: et un, et deux, et trois réseaux Après la SNCF et France Télécom, Bouygues a subi mercredi un arrêt de son système, encore inexpliqué. Une vulnérabilité alarmante. la panne de mercredi sur le réseau Bouygues Télécom est l'incident de trop. Hier, jeudi, le ministre de l'industrie Patrick Devedjian s'est ému de la grosse avarie, survenue moins d'un mois après la panne spectaculaire sur le réseau fixe de France Télécom. Et a chargé, séance tenante, Jean-Michel Hubert, le vice-président du Conseil général des technologies de l'information, d'une enquête à remettre d'ici au 10 décembre. Au menu : l'analyse des dysfonctionnements, leur impact et les solutions à promouvoir pour éviter que cela ne se reproduise. Les sept millions d'abonnés de Bouygues ont retrouvé l'usage de leur portable, mais le service, totalement interrompu dès 6 heures du matin, mercredi, n'est revenu à la normale que vers 1 h 30, dans la nuit de mercredi à jeudi. Grain de sable. A l'origine de l'avarie : la panne simultanée de deux serveurs informatiques. Difficile d'en savoir plus : l'opérateur refuse de s'exprimer autrement que par communiqués laconiques. Le 15 juillet, une autre panne géante avait affecté le réseau SNCF. Il avait fallu quatre jours à l'opérateur pour corriger un défaut de Mosaïc, son système informatique de réservation. A Bercy, on note qu'à la racine de toutes ces pannes on trouve des défaillances de l'informatique. Plus ennuyeux, les techniciens peinent souvent à identifier la cause et à remettre le service en route. Bercy a reçu des rapports très complets de France Télécom. On y a le sentiment que l'opérateur a joué la transparence. Qu'il s'agissait bien d'une «anomalie logicielle» logée dans un équipement à Reims, selon le diagnostic officiel. Mais que ce grain de sable ait réussi à perturber tout le réseau, jusqu'à faire monter sur le pont Thierry Breton, en plein week-end, crée des soucis jusqu'au sommet de l'Etat. Hier matin encore, le ministre de l'Industrie s'inquiétait auprès de Gilles Pélisson, le PDG de Bouygues Télécom, et d'Emmanuel Forrest, son directeur adjoint, des progrès de la remise en état. Cela ne suffit toutefois plus : «On ne met pas en cause la bonne foi des opérateurs, mais on veut l'avis d'un expert», justifie-t-on au ministère de l'Industrie. C'est que tout le monde s'est trouvé dans la panade. Quand Bercy a voulu prévenir le cabinet du Premier ministre de l'incident sur le réseau Bouygues, les conseillers se sont esclaffés : «On est au courant, on est tous abonnés chez Bouygues !» Raison de plus pour prendre tout cela au sérieux. Pas grand monde jusqu'à présent ne s'est penché sur la vulnérabilité des réseaux de communication. L'ART (Autorité de régulation des télécommunications) dispose bien de nombreux ingénieurs, aucun cependant ne s'occupe des questions techniques. «On contrôle la qualité des services, ou encore la couverture des réseaux, mais pas la vulnérabilité des systèmes.» Cela ne fait pas partie effectivement des missions du gendarme. Son job : ouvrir les télécoms à plus de concurrence et que le consommateur en profite. Cela dit, la panne inspirait à l'un des membres de l'Autorité quelques réflexions, à propos de «l'informatique et de son architecture de plus en plus complexe, qui change radicalement la nature des réseaux de télécommunications». «Sans filet». A propos aussi de ces entreprises plus enclines aux dépenses marketing qu'à l'entretien courant «où l'argent coule à flot, à présent que l'effort de construction des réseaux a été fait, et qui ne mettent pas forcément les moyens qu'il faut pour entretenir les réseaux». Discours nettement plus incisif à la CGT-PTT où «l'on est en train de regarder avec les collègues la panne chez Bouygues Télécom». Ils font déjà le rapprochement avec celle de la Toussaint chez France Télécom. Commentaire de Christian Mathoral, de la CGT : «Le système concurrentiel fragilise les réseaux. On est dans une course à la rentabilité, mais aussi dans une course à l'innovation. Or, elle se fait aujourd'hui sans filet de sécurité. Hier, les équipes de recherche et développement prenaient le temps de contrôler avant de lancer un nouveau processus. Aujourd'hui, on essaie de lancer avant le concurrent. L'accès des gens aux télécommunications est fragilisé». La rançon du succès.