Annonce SUEZ-GDF: chauffe sociale à prévoir Le projet de fusion entre les entreprises privée et publique est accueilli froidement par les syndicats. On ignore encore si le projet de fusion entre Suez et GDF, accélérée par le gouvernement ce week-end, sera une réussite. En revanche, on sait que la fusion opérée hier par toutes les organisations syndicales pour se mobiliser contre le projet est, elle, déjà un succès. Le déroulé de la journée en a été l'étonnante démonstration. D'un côté, un gouvernement dans l'incapacité de répondre aux inquiétudes des syndicats, et deux entreprises (Suez et GDF) qui font durer toute la journée le suspense d'une hypothétique conférence de presse... qui ne viendra finalement pas. De l'autre, trois organisations syndicales (la CGT, FO et la CGC) qui se réunissent en milieu d'après-midi pour construire illico un front uni contre le projet de fusion et «travailler de façon unitaire à la mobilisation des salariés». Demain, la CFDT et la CFTC devraient se joindre à ce noyau d'intersyndicale. «Chantier énorme». «Il y a un vrai risque de forte mobilisation syndicale», assure un cadre d'EDF, le grand frère de GDF, effrayé par «l'énormité du chantier que représente cette fusion entre deux entreprises si différentes». Avec des questions aussi sensibles que celles du statut des agents, les missions de service public, l'avenir de la direction Electricité Gaz Distribution (EGD), commune à EDF et GDF et regroupant 55 000 agents. Hier matin, le ministre de l'Economie, Thierry Breton, entouré de Gérard Mestrallet, le patron de Suez, et de Jean-François Cirelli, celui de GDF, ont reçu successivement la CFE-CGC, puis la CGT. Il semble que Breton n'ait pas franchement convaincu. «Bombe». Samedi, la CGC n'était pas totalement opposée à ce mariage aux forceps, saluant une opération «intelligente». Lundi matin, Jean-Claude Pelofy, secrétaire général de la fédération CFE-CGC des industries électriques et gazières, est ressorti de Bercy extrêmement remonté : «L'annonce a fait l'effet d'une bombe pour les salariés de Suez et de Gaz de France. La méthode employée ne nous convient pas», a-t-il déclaré. Moins étonnant, la CGT avait, elle aussi, des mots très durs envers le gouvernement : «Le sentiment que cela donne, c'est un sentiment de mensonge, un sentiment de précipitation voire d'amateurisme», a déclaré Frédéric Humbrecht, le patron de la puissante fédération énergie de la CGT. Aujourd'hui, c'est au tour de FO, de la CFDT et de la CFTC de prendre un ticket pour le bureau de Thierry Breton. Sans attendre son rendez-vous, Jean-François Lejeune, administrateur FO à GDF, a annoncé la couleur : «Il y a un véritable problème de crédibilité quand on a un ministre qui s'engage sur une loi gravée dans le temps et remise en cause moins de deux ans après, sans qu'il y ait pour autant un débat suffisamment fort autour», a-t-il déclaré. «Nécessité fait loi.» Interrogé par Libération, Patrick Devedjian, ancien ministre délégué de l'Industrie des gouvernements Raffarin, explique aujourd'hui que l'engagement de l'Etat de ne pas descendre en dessous de 70 % du capital des deux ex-monopoles de service public «avait été pris surtout pour EDF, même si les deux entités étaient concernées sur le papier, car elles sont imbriquées. EDF, c'est une énorme entreprise. Ce sont les centrales nucléaires. GDF, ce ne sont que des tuyaux». Pour autant, il comprend que «les syndicats protestent. C'est vrai qu'on a pris des engagements. Mais nécessité fait loi...». Promesses. Hier matin, le ministre de l'Economie s'est contenté de promettre d'«apporter des réponses précises, exhaustives et concrètes». Mais dans plusieurs semaines... «Tout commence aujourd'hui», a-il professé, avant de tourner les talons face aux questions des journalistes présents. Pour répondre à l'inquiétude relayée par la CGT de voir le nouveau groupe venir concurrencer EDF, et donc provoquer de la casse sociale, Thierry Breton a trouvé une formule pour le moins obscure. Le groupe né de la fusion entre Suez et GDF ne «sera pas un concurrent face, mais un concurrent à côté» d'EDF. A Bercy, l'entourage de Breton assure que «l'on est au tout début d'un processus qui va durer plusieurs mois. On veut vraiment se donner du temps pour discuter avec les partenaires sociaux».