Procès Stéphane Bern inaugure la webdiffamation Le chroniqueur mondain écope de 1 500 euros d'amende pour avoir enfreint la loi sur son site. Les altesses royales aussi, font la loi sur Internet. Stéphane Bern vient d'en faire les frais. Dans un jugement daté du 15 décembre et rendu public en fin de semaine dernière, le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a condamné le chroniqueur de la jet-set à verser 1 500 euros de dommages et intérêts à Paul de Hohenzollern de Roumanie, petit-fils du roi Carol II, pour avoir enfreint sur son site Internet, gotha.fr, les dispositions en vigueur en matière de diffamation. Une occasion en or pour les juges de préciser le régime juridique applicable aux pages web. Potin. L'affaire démarre le 21 février 2002. Ce jour-là, Stéphane Bern relaie sur son «portail des têtes couronnées», rubrique «Royal News», un potin roumain. L'article en ligne relate la «bataille juridique entre Michel Ier et Mircea Lambrino, fils illégitime du roi Carol II de Roumanie». Une semaine plus tard, Bern revient sur le royal différend pour annoncer que «la justice roumaine tranche en faveur du roi Michel Ier». Cette fois, le fils de «l'usurpateur» Mircea est également visé. Selon Royal News, Paul de Roumanie, enregistré à la naissance sur le registre d'état civil du XXe arrondissement de Paris sous le nom de Paul Lambrino, «n'a été reconnu comme prince par aucune maison royale». L'intéressé voit rouge. Au grand siècle, l'affront aurait été lavé dans le sang à potron-minet. En homme de son temps, Paul de Roumanie choisit la voie plus sage du droit, et s'attache les services d'un avocat spécialisé en droit de l'Internet. Le vulgum pecus saluera la juste volonté d'un fils de défendre son honneur et celui de son père. Cette réalité se double d'une considération un rien plus prosaïque : pour Paul de Roumanie, la reconnaissance de la légitimité de sa royale ascendance va de pair avec ses prétentions d'héritier des biens de la couronne. Le petit-fils de Carol II obtient du juge des référés que lui soit accordé un droit de réponse. Le 5 juin 2002, sur Royal News, Paul de Roumanie rappelle que son père, «Mircea Lambrino, a été déclaré fils légitime du roi Carol II de Roumanie par le tribunal de Lisbonne dans un jugement du 6 février 1955» et précise tenir à la disposition de Stéphane Bern les correspondances qui ont été adressées au cours des dix années précédentes par l'ensemble des familles régnantes d'Europe. Flottement. Déjà mis en cause par le chroniqueur dans un ouvrage paru en 1990, Paul de Roumanie ne lâche pas prise. Il attaque Stéphane Bern en diffamation devant le TGI. Les avocats de ce dernier ripostent en prétendant que cette juridiction n'est pas compétente pour trancher du litige, un site Internet n'étant pas, de leur point de vue, une publication de presse. Selon Bern, c'est au juge d'instance, compétent en matière de diffamation commise autrement que par voie de presse, de se saisir de l'affaire. Une stratégie a priori surprenante : les tribunaux d'instance étant moins au fait que le TGI des débats byzantins qui accompagnent les procès en diffamation, leurs décisions sont réputées plus imprévisibles. Du moins le chroniqueur gagne-t-il du temps. Car les juristes, pour qui le web ressort alors encore de l'objet juridique mal identifié, sont pris au dépourvu. Il faudra deux ans pour que l'affaire sorte de l'ornière procédurale. Le 5 mai 2004, la cour d'appel de Paris rejette finalement les arguments de Stéphane Bern et renvoie le litige devant le TGI de Paris pour qu'il tranche sur le fond. Le jugement du 15 décembre boucle la boucle : c'est désormais clair, le web est bel et bien un média de droit commun.