Changement Sous la pression de la rue, la Bolivie désigne un président de transitionLa Bolivie, au bord de la guerre civile après plus de 20 jours de mobilisation des partisans de la nationalisation du gaz, semble se diriger vers une solution à la crise après la désignation, jeudi 11 juin au soir, d'un nouveau président, Eduardo Rodriguez, qui s'est engagé à convoquer des élections anticipées.Les députés et sénateurs réunis à Sucre, capitale administrative du pays, ont voté à l'unanimité en faveur de la démission du président Carlos Mesa et son remplacement par M. Rodriguez, 49 ans, chef de la Cour suprême de justice. "Je suis convaincu que mon mandat a à voir avec une rénovation du système", a déclaré M. Rodriguez. "L'une de mes attributions sera de convoquer ce processus électoral pour rénover la représentation citoyenne", a-t-il dit.S'il n'a pas donné de date, la constitution prévoit un délai maximum de trois mois à partir de sa désignation. Le sénateur Hugo Carvajal a indiqué à la presse qu'"il y avait la ferme volonté la semaine prochaine d'adopter une loi qui convoque de manière anticipée des élections en décembre de cette année, des élections générales, pour le président, le vice-président, les sénateurs et les députés".UN MINEUR ABATTU PAR L'ARMÉE Des secteurs de plus en plus importants de la société bolivienne s'étaient prononcés ces derniers jours en faveur de ce scénario, l'unique, selon eux, susceptible de sortir de la crise politique et sociale. Mardi, le président démissionnaire Carlos Mesa s'était déclaré en faveur de la convocation immédiate d'élections générales dans le pays, estimant qu'il était "au bord de la guerre civile". Le Congrès a eu beaucoup de difficultés à se réunir, jeudi vers 22 h 45 (4 h 45, heure de Paris) dans la ville de Sucre, plus de dix heures après l'horaire prévu, à l'issue d'une journée marquée par la tension et les incertitudes. Après la mort par balle d'un mineur près de Sucre, des manifestants s'étaient violemment affrontés aux forces de l'ordre dans l'après-midi près de l'édifice où devait avoir lieu la réunion, faisant craindre une aggravation de la situation dans un pays paralysé par les blocages des partisans de la nationalisation du gaz. Tout au long de la journée, les mouvements sociaux avaient augmenté la pression pour empêcher l'accès à la présidence de la République de M. Vaca Diez, originaire de la riche province orientale de Santa Cruz, qu'ils accusent d'appartenir à la "mafia" qui gouverne le pays depuis le retour de la démocratie en 1982.Cependant, à l'issue de négociations entre les forces politiques, une solution a pu être trouvée, les présidents du Sénat et de la Chambre des députés, Hormando Vaca Diez et Mario Cossio, premiers dans la liste de la succession, acceptant de renoncer.LA NATIONALISATION DU GAZ RESTE AU COEUR DES DÉBATSLe leader d'opposition et chef du Mouvement vers le Socialisme (MAS), Evo Morales, a indiqué jeudi soir après la désignation du nouveau président que la fin des blocages dépendra des secteurs syndicaux, mais aussi de ce que dira M.Rodriguez au sujet des "demandes du peuple en faveur d'une assemblée constituante et de la nationalisation des hydrocarbures".Dans son discours, ce dernier a réaffirmé le principe constitutionnel de la propriété de l'Etat sur les hydrocarbures. "Rien n'a changé, ce qui a changé c'est la forme de les administrer. C'est le Congrès qui doit être capable de rendre effectif ce processus constitutionnel pour récupérer cette ressource", a-t-il ajouté.Le gaz, plus grande richesse du pays avec des réserves de 1 550 milliards de mètres cubes, est actuellement exploité par les compagnies pétrolières étrangères. Selon les partisans de la nationalisation, c'est la seule solution pour sortir le pays andin de la misère afin de financer une politique d'industrialisation. En Bolivie, 63 % de la population vie sous le seuil de pauvreté.
