Annonce Soulagés ou tristes, des centaines de Français quittent la Côte d'Ivoire ABIDJAN (AFP) - Soulagés ou tristes, souvent les deux, des centaines de Français de Côte d'Ivoire, réfugiés au camp du 43ème Bataillon d'infanterie de marine (BIMa) d'Abidjan s'enregistrent sur les premiers vols qui quitteront mercredi la capitale ivoirienne en direction de Paris. Dans la queue patientent calmement une majorité d'enfants et de femmes. Nombre d'entre elles laissent ici leur mari, qui reste par obligation professionnelle ou dans le vague espoir de sauver une entreprise ou quelques biens. Rachel, 28 ans, retourne en Moselle (est de la France). Arrivée courant 2002 en Côte d'Ivoire, sa première expatriation, elle n'en aura quasiment connu que ses crises, la violence, la peur, le stress et sait qu'elle n'y reviendra pas. "Pour moi la Côte d'Ivoire c'est fini. Pour nous, il n'y a plus rien à faire ici", explique-t-elle. Elle part seule avec ses deux enfants de trois et cinq ans, son mari étant bloqué à Bouaké, le fief des rebelles dans le centre du pays, où il travaillait. "J'ai tout laissé, je n'ai pris que quelques affaires", dit-elle. Comme elle, les Français sur le départ transportent peu de valises. Français à l'aéroport d'Abidjan le 9 novembre 2004 © AFP Pascal Guyot Les violences de ces derniers jours l'ont définitivement dégoûtée de la Côte d'Ivoire. "C'était horrible, surtout lundi", raconte Rachel qui a eu "très peur" après que les jeunes patriotes, comme se nomment eux-mêmes les jeunes miliciens partisans du président ivoirien Laurent Gbagbo, furent entrés dans la concession du quartier Riviera 3 où elle habitait. "Tout le monde est choqué, surtout les enfants", poursuit la jeune femme qui a été secourue par les soldats français en compagnie de compatriotes avec qui elle s'était regroupée. Deux vols emporteront au total 780 personnes mercredi à Paris. La plupart ont de la famille ou des amis en France, prêts à les héberger. Michel, Français de père ivoirien, lui, ne sait pas où il ira une fois arrivé. A 52 ans, dont 20 passés en Côte d'Ivoire, il part avec son épouse Solange, Ivoirienne et deux de leurs enfants. Installés à Man, ils avaient déjà tout perdu fin 2002, lors des pillages après les affrontements entre rebelles et forces gouvernementales dans cette ville du grand ouest ivoirien. Des Français attendent d'être évacués le 9 novembre 2004 à Abidjan © AFP Pascal Guyot A Abidjan, où il vivait depuis deux ans, les manifestants "ne pouvaient pas piller grand chose, on n'avait déjà plus rien", ironise-t-il amèrement. Mais "les menaces verbales" récentes et la peur ont pris le dessus. Revenir un jour? "Je vais voir, je n'ai plus 20 ans. L'éternel recommencement c'est lassant", dit-il. Morgane, 18 ans, a elle toujours vécu en Côte d'Ivoire où elle est née. Au milieu de ses camarades du lycée Jean Mermoz, incendié et saccagé, elle rit beaucoup, mais avoue sa profonde tristesse au moment de quitter le pays, pour toujours pense-t-elle. La boulangerie familiale, déjà pillée en février 2003, a de nouveau été prise pour cible et la famille part presque sans rien. Plus loin, pendant que son compagnon remplit les formalités, Stéphanie, 34 ans en Côte d'Ivoire, veille sur Mathieu, son bébé de cinq mois. Comme tous les Français réfugiés au Bima, elle a eu très peur. "Le pire, c'est les cris des jeunes qui arrivent, puis le bruit des choses qu'on casse", raconte-t-elle. Sa maison du quartier Biétry a été épargnée grâce à un ami ivoirien aux relations bien placées, mais la maison de son voisin a été entièrement pillée. Venue "par amour" dans le pays il y a 18 mois, elle espère néanmoins revenir. "C'est un beau pays, un pays où il fait bon vivre en temps normal. Et la majorité des Ivoiriens n'ont rien à voir avec les abrutis qui courrent sur le (boulevard) VGE" (Valéry Giscard d'Estaing), souligne Stéphanie en référence aux jeunes auteurs des exactions contre les Francais.