Scandale Soudan : La publication d'une enquête de MSF sur les viols au Darfour a déplu au gouvernement Khartoum en guerre contre les «french doctors» Médecins sans frontières ne comprend pas. En deux jours, deux responsables de la branche hollandaise de l'ONG ont été arrêtés au Soudan. Mardi, le coordinateur de MSF au Darfour, Vincent Hoedt, a été interpellé à Nyala avant d'être expulsé à Khartoum, où il a retrouvé son chef de mission, le Britannique Paul Foreman, appréhendé la veille. Les deux hommes ont finalement été libérés le soir même contre une caution d'un million de dinars soudanais (3 200 €). Mais ils restent tous deux poursuivis pour «crime contre l'État», accusation passible de trois ans de prison, et ont encore été longuement interrogés hier. L'ONG est accusée par le gouvernement de Khartoum de «publication de faux rapports, d'attaques contre la société soudanaise et d'espionnage». L'objet de l'ire des Soudanais est un compte rendu sur «les violences sexuelles au Darfour» publié le 8 mars dernier par l'organisation. Cette enquête, qui s'appuie sur des observations médicales effectuées sur des centaines de victimes, assure qu'au moins 500 femmes auraient subi des viols «dans une période de quatre mois à cinq mois». L'ONG met directement en cause les troupes soudanaises, la police mais surtout les Djandjawids, ces milices arabes alliées au régime. Depuis février 2003, le conflit au Darfour a fait entre 180 000 et 300 000 morts, selon les estimations. Mais les autorités locales estiment que le rapport de MSF est «erroné». Elles semblent décidées à obtenir son retrait. Le texte ne contient pourtant pas de révélations. L'an dernier, une commission des droits de l'homme de l'ONU avait déjà été très précise sur ce type de violence au Soudan. A la sortie du rapport de MSF, il y a trois mois, le gouvernement s'était d'ailleurs contenté d'envoyer une lettre de protestation. Depuis lors, des employés de MSF avaient bien été convoqués pour des explications. Mais ils n'avaient jamais été question d'arrestation. «On ne sait pas ce qui les a brusquement gênés», assure Pauline Horrill, médecin et responsable de l'ONG pour le soudan. De son côté, Jean-Hervé Bradol, le président de MSF, se dit «inquiet» : «C'est une tendance générale des gouvernements autoritaires dans le monde de se donner comme ça un vernis légaliste. On nous emprisonne alors qu'avant on fermait une mission ou on nous expulsait. Mais le but reste le même. On veut nous faire taire.» Car au Darfour les témoins font désormais peser une vraie menace pour Khartoum et ses alliés. En avril dernier, sous l'égide de la France, le conseil de sécurité de l'ONU a en effet adopté une résolution promettant aux auteurs d'exactions au Darfour des poursuites devant la Cour pénale internationale. Faut-il y voir un lien avec les malheurs actuels des «french doctors» ? MSF ne veut pas tirer de conclusions.
