Mort de Sir Richard Doll

Mort Sir Richard Doll, découvreur des liens entre tabac et cancer Epidémiologiste britannique de réputation mondiale, Sir Richard Doll est mort, dimanche 24 juillet, à Oxford. Il était âgé de 92 ans. Ce spécialiste de statistiques médicales avait été le premier, au milieu du XXe siècle, à établir les liens entre la consommation de tabac et le risque élevé de cancer broncho-pulmonaire. Il a également donné un essor considérable à l'épidémiologie et à la médecine préventive. La découverte de Sir Richard Doll, longtemps contestée par les géants de l'industrie de la cigarette, a été à l'origine de la prise de conscience progressive du fléau sanitaire que constitue, à l'échelle mondiale, la consommation de cette drogue qu'est le tabac. A ce titre, les travaux de ce pionnier ont permis de sauver des dizaines de millions de vies, et pour nombre de ses pairs il aurait amplement mérité le prix Nobel de médecine. William Richard Doll naît le 28 octobre 1912 à Hampton (Middlesex) et fait ses études à Londres, à la Westminster School, puis au St Thomas' Hospital. Il a alors des convictions politiques très marquées qui le conduisent, au début des années 1930, à rejoindre le Parti communiste britannique ; une formation qu'il quittera après le pacte germano-soviétique de 1939. Les hasards de la vie font qu'il s'orientera vers les statistiques appliquées plutôt que vers les mathématiques fondamentales. Après la seconde guerre mondiale - durant laquelle il servira en France -, Richard Doll, victime d'une tuberculose rénale, rejoint l'unité de recherche statistique du Medical Research Council, qu'il dirigera, au total, durant vingt et un ans. Il commence à travailler sur les ulcères digestifs, établissant alors, contrairement à une opinion répandue, que cette affection ne touche pas plus fréquemment les personnes ayant d'importantes responsabilités professionnelles. Travaillant en collaboration avec Austin Bradford, Richard Doll s'intéresse bientôt aux raisons pouvant expliquer l'augmentation massive de cancers broncho-pulmonaires en Grande-Bretagne, que certains attribuent alors à la pollution atmosphérique. Les chercheurs réalisent plusieurs centaines d'entretiens avec des personnes souffrant de cette affection et découvrent que, dans un groupe de 649 malades, seuls deux ne consomment pas de tabac. Cette observation conduira d'ailleurs Richard Doll à trouver la force d'arrêter de fumer. L'hypothèse initiale sera ensuite confirmée grâce à une vaste étude prospective lancée en 1954 auprès de 40 000 médecins qui établira, vingt ans plus tard, que la consommation chronique de tabac est étroitement associée à une réduction de l'espérance de vie, le tabagisme ayant des effets nocifs dépassant de beaucoup le seul appareil respiratoire. La réputation grandissante de Richard Doll fait qu'il rejoint en 1969 la célèbre université d'Oxford, où il poursuivra ses recherches dans de nombreux domaines, s'intéressant notamment aux dangers inhérents aux substances cancérogènes produites par certaines industries et présentes dans l'environnement. Tous les spécialistes reconnaissent que les travaux de Richard Doll ont très fortement contribué à la diminution du nombre des fumeurs en Grande-Bretagne, leur proportion passant de 80 % en 1954 à 25 % aujourd'hui. En dépit de l'intense lobbying développé par les puissantes multinationales de l'industrie du tabac, ses observations furent bientôt confirmées par de nombreux autres épidémiologistes et, aux Etats-Unis comme en Europe, les autorités sanitaires prirent ensuite le relais en faisant de la lutte contre le tabagisme une priorité de santé publique. "Richard Doll était unanimement reconnu comme le plus brillant et le plus éminent de toute la génération des épidémiologistes britanniques (Archie Cochrane, Jerry Morris, Charles Fletcher.. ) qui, à partir des années 1950, ont véritablement révolutionné l'étude des maladies chroniques", souligne le professeur Rodolfo Saracci, directeur de recherche en épidemiologie au Conseil national italien des recherches (Pise). "C'est à eux que l'on doit pour une large part l'émergence du rôle dominant des facteurs du "milieu extérieur", c'est-à-dire de l'environnement au sens large (air, eau, polluants, nutrition, tabac, agents infectieux..) dans l'étiologie des cancers, de l'athérosclérose ou de la pneumopathie obstructive chronique. Dans ce domaine, les travaux de Richard Doll sur les relations entre tabac, amiante, radiations ionisantes, d'une part, et cancers, d'autre part, resteront non seulement fondamentaux, mais fondateurs."