Mort de Simon Malley
Mort Simon Malley, journalisteLe journaliste Simon Malley est mort jeudi 7 septembre, à Paris, à l'âge de 73 ans.S'il fallait incarner par un nom ce que fut le journalisme tiers-mondiste et "anti-impérialiste" des années 1970, celui de Simon Malley s'imposerait naturellement tant son parcours illustre cette période enfiévrée.Simon Malley était habité par le journalisme. Egyptien de naissance, il avait à peine 16 ans lorsqu'il écrivit ses premiers articles dans Le Progrès égyptien. Il allait continuer pendant des décennies après un long séjour à New York comme correspondant aux Nations unies pour le journal égyptien La République, pour Radio-Mali, pour le FLN algérien... D'avoir pris position en faveur de l'indépendance de l'Algérie lui avait d'ailleurs valu, pendant la guerre d'indépendance, d'être - officieusement - interdit de séjour en France.Cette page fut oubliée et, en 1969, c'est sans difficulté que Simon Malley vint s'installer sur les bords de Seine pour y créer une revue, Afrique-Asie, un bimensuel qui ne prit son titre définitif qu'en 1972.Le magazine s'intéressait surtout aux pays "progressistes". Il existait pour militer contre "l'impérialisme" en Afrique noire et au Moyen-Orient. Et si Simon Malley jurait n'appartenir ou militer dans aucun parti, la ligne rédactionnelle de sa revue était sans ambiguïté.Il s'agissait de "participer à des luttes de libération nationale", de "s'opposer aux pays colonialistes et néocolonialistes, à tous les régimes corrompus", annonçait sans ambages Simon Malley. Ainsi, ne fut-il pas tendre pour le Maroc de Hassan II, le Gabon d'Omar Bongo, l'empereur Bokassa en Centrafrique, Mobutu au Zaïre...Rédigée par une trentaine de journalistes, dont des correspondants à l'étranger, l'impact de la revue n'était pas mince en ces années où l'Afrique, terrain d'affrontement entre les Occidentaux et le bloc soviétique, faisait souvent la couverture des journaux. A son pic, la diffusion d'Afrique-Asie dépassait 100 000 exemplaires, dont 80 % vendus hors de France.Il fallait faire taire cette voix écoutée dans le tiers-monde. Nombre de chef d'Etats africains s'y employèrent et surent se faire entendre à l'Elysée de Valéry Giscard d'Estaing. L'été 1980, Simon Malley, alors âgé de 47 ans, était prié de quitter le territoire français. On lui reprochait d'avoir manqué à "l'obligation de réserve" attendue d'un étranger.L'affaire fit grand bruit et, si le directeur d'Afrique-Asie fut expulsé vers les Etats-Unis (il disposait d'un passeport américain à la suite de son mariage), les protestations de plusieurs chefs d'Etat du continent noir, jointes à la mobilisation des intellectuels français, fit que, l'année suivante, Simon Malley était de retour.Mais les lois de l'économie allaient réussir là où les politiques avaient échoué. En 1987, criblé de dettes, Afrique-Asie, tout comme les autres publications du groupe, suspendait sa parution.Quelques années plus tard, Simon Malley allait relancer le titre mais sans succès. Les mots d'"impérialisme", de "tiers-monde" n'appartenaient plus au vocabulaire de l'époque.HOMMAGE FILIALDans un texte adressé au Monde, son fils, Robert Malley, ancien conseiller du président américain Bill Clinton et aujourd'hui directeur de l'International Crisis Group pour le Proche-Orient, rend hommage à son père : "Bien avant les autres, et bien après eux, Simon aura cru en une idée qui bénéficiait autant qu'elle souffrait de sa simplicité. Il croyait profondément en la dignité des peuples opprimés, et en leur droit à se révolter contre la domination occidentale. Foi qui était moins idéologique qu'elle n'était instinctive et dont découlaient admiration et loyauté sans faille aux mouvements et Etats progressistes du tiers monde.""Dans un contexte médiatique monocolore, où une objectivité affichée servait à ses yeux de paravent à un parti pris éhonté, il ne cachait ni ses convictions, ni ses couleurs. Il était à la fois journaliste et militant, deux professions qu'il ne distinguait guère. Son ère fut l'ère de la résistance anticoloniale, de la lutte contre la domination occidentale. (...) Epoque d'un souffle nouveau, qu'on appela tiersmondiste, et durant laquelle l'histoire fut enfin écrite par ceux qui en furent si souvent les victimes et qui en payèrent si souvent le prix. On a du mal aujourd'hui à s'imaginer combien la face du monde changea durant ces années de tempête. Mais elle le fit, et, à sa modeste mesure, il en fut. Je crois que, jusqu'à son dernier souffle, il en tira sa plus grande fierté."