Grève Silvio Berlusconi est confronté à une nouvelle grève générale L'Italie devait être en partie paralysée, mardi 30  novembre, à l'appel des trois principaux syndicats et des associations de consommateurs. La politique économique et sociale, l'explosion des déficits et de la dette publique sont également critiquées par le patronat. Pour la cinquième fois depuis l'arrivée de Silvio Berlusconi au pouvoir, en juin 2001, une grève générale devait paralyser l'Italie, mardi 30 novembre. Les trois centrales syndicales - CGIL (gauche), CISL (catholique) et UIL (modérée) - ont appelé les salariés à cesser le travail pendant quatre heures pour protester contre la politique économique du gouvernement, et plus particulièrement contre la rigueur du projet de budget 2005. Pas de quotidiens dans les kiosques, des transports publics à l'arrêt, de nombreux débrayages dans l'industrie, portes closes dans les administrations, les banques et à la poste, activité au ralenti dans les hôpitaux et les universités. Plus de 70 manifestations étaient prévues à travers le pays sur le thème "Défends ton avenir". Le mouvement de grève s'est étendu à la journée entière dans les secteurs les plus menacés par le projet de loi de finances récemment adopté par le gouvernement. C'est le cas dans la fonction publique après l'annonce par Silvio Berlusconi de la suppression de 75 000 postes de fonctionnaires en 2005 et 2006. Les trois confédérations syndicales mobilisent leurs 11 millions d'adhérents contre "les choix erronés" du budget 2005. "Il n'y a rien pour les retraités, qui ont tous perdu du pouvoir d'achat. Il n'y a pas de soutien à l'investissement, rien pour le Mezzogiorno", a protesté Guglielmo Epifani, secrétaire général de la CGIL. La baisse des impôts annoncée par Silvio Berlusconi (6,5 milliards d'euros en 2005, dont 6 milliards pour les particuliers) "n'aura aucun effet positif sur l'économie italienne",estime Savino Pezzotta, secrétaire général de la CISL. ABSENCE DE CONCERTATION Les syndicats dénoncent aussi l'absence de concertation avec le gouvernement. Au cours du week-end, ils ont cosigné avec l'organisation patronale Confindustria une lettre demandant "une rencontre urgente" au chef du gouvernement pour parler des problèmes des régions défavorisées du Sud. Le Mezzogiorno devrait être "une priorité", selon le patron des patrons, Luca di Montezemolo, qui ne voit dans la réforme fiscale qu'une "tactique électorale". Quatre associations de consommateurs, mobilisées sur la hausse des prix, se sont jointes à la grève."Cette loi de finances est une honte, disent-elles.D'une main, on fait semblant de nous donner 6,5 milliards d'euros, et de l'autre, on nous en prend 7,5 milliards en taxes indirectes". Le président des Chambres de commerce (Confcommercio), Sergio Billè, a exprimé ses doutes, lui aussi, sur l'efficacité supposée de cette réduction d'impôts destinée à relancer la consommation. "La question principale à laquelle personne ne répond est : pourquoi les familles n'arrivent plus à boucler leurs fins de mois", estime-t-il. FUITE EN AVANT L'Italie est confrontée à une croissance très faible, avec une prévision de 1,2 % en 2004. Pour 2005, le Fonds monétaire international table sur une augmentation de 1,7 % du PIB italien, soit l'un des taux de croissance les plus faibles d'Europe, alors que le gouvernement prévoit + 2,1 %. La marge de manœuvre est étroite dans la mesure où l'Italie est dans le collimateur de Bruxelles pour ses finances publiques. Le gouvernement a dû adopter un collectif budgétaire de 7,5 milliards d'euros pendant l'été pour maintenir le déficit italien sous les 3 % du PIB, comme prévu par le pacte de stabilité. Le FMI a récemment alerté les Italiens sur le risque d'un dérapage en 2005. Le projet de budget prévoit de contenir le déficit à 2,7 %, mais au prix d'un énorme collectif budgétaire de 24 milliards d'euros. Depuis plusieurs semaines, Silvio Berlusconi multiplie les appels du pied pour obtenir de l'Union européenne un aménagement des conditions du pacte de stabilité. Bruxelles est d'autant plus vigilante que la dette italienne, l'une des plus élevées au monde, représente 106 % du PIB, alors que le plafond fixé par l'Europe est de 60 %. "En l'absence de correction, le déficit public dans les prochaines années pourrait atteindre 6 % du PIB", a averti récemment Antonio Fazio, gouverneur de la Banque d'Italie. Dans un tel contexte, la gauche dénonce la réduction des impôts comme une fuite en avant. "Le gouvernement consomme aujourd'hui les ressources de demain", a déclaré Pierluigi Bersani, le responsable économique des Démocrates de gauche (DS). Revenu sur la scène politique italienne, l'ancien président de la Commission européenne, Romano Prodi, a exprimé ses doutes sur la capacité du gouvernement à financer sa réforme fiscale. "Les 6 milliards annoncés n'existent pas", a-t-il lancé lundi à Rome, à l'issue d'une réunion des dirigeants de centre gauche. Selon lui, "ces réductions d'impôts sont inefficaces pour la reprise économique et iniques". Il prophétise "d'importantes corrections budgétaires à venir". Responsable économique de la coalition de la Marguerite, Enrico Letta estime que ces corrections n'empêcheront pas le déficit d'atteindre 4 % en juin 2005, mais Silvio Berlusconi, croit-il deviner, aura provoqué des élections législatives au printemps précédent. Face aux attaques convergentes, plusieurs responsables de la majorité ont dénoncé "une grève plus politique que syndicale". Jean-Jacques Bozonnet Rome ne peut pas payer sa part à l'Onusida L'Italie met en avant ses difficultés économiques pour justifier le non-paiement de sa contribution de 100 millions d'euros au Fonds des Nations unies pour la lutte contre le sida dans les pays pauvres. "L'Italie a demandé un délai pour verser les fonds promis à l'Onusida", a annoncé Girolamo Sirchia, ministre de la santé, lundi 29 novembre à Milan. "La situation financière du pays ne le permet pas : nous avons d'autres priorités", a-t-il expliqué. La date-limite pour le paiement des contributions promises par les pays du G8 avait été fixée au 30 septembre. Les Etats-Unis ont conditionné le versement de leur propre contribution (420 millions d'euros) au règlement par le reste du monde d'une somme de 1,1 milliard d'euros. Pour atteindre cette somme, les responsables de l'Onusida avaient déclaré attendre des versements de l'Union européenne et de l'Italie. Depuis sa création, en 2002, le Fonds antisida de l'ONU a reçu environ 3 milliards de dollars. - (Corresp.)