Découverte Sida : un vaccin thérapeutique testé sur l'homme Le premier prototype d'un vaccin thérapeutique visant à retarder ou à stopper l'infection par le VIH chez des sujets contaminés, a été testé avec quelques succès chez des séropositifs. Il ne s'agit pas d'empêcher l'infection, mais de diminuer la charge virale. La rédaction américaine de la revue Nature Medicine (1) présente les résultats positifs de l'essai préliminaire d'un vaccin thérapeutique chez dix-huit sujets brésiliens contaminés par le VIH. Le vaccin permet de diminuer, voire de faire disparaître chez certains sujets, la charge virale, et de maintenir une immunité cellulaire contre le VIH. Ces travaux, annoncés ces dernières semaines mais sans détails scientifiques, par Le Point et Valeurs actuelles, sont signés d'un duo français, le professeur Jean-Marie Andrieu (hôpital européen G.-Pompidou, Paris) et Weil Lu (chercheur à l'IRD, Montpellier). L'approche utilisée est lourde, individuelle, difficile à mettre en oeuvre, mais elle fonctionne : il s'agit «d'éduquer» certaines cellules du propre système immunitaire du malade — les cellules dendritiques — pour qu'elles déclenchent une réponse de défense qui va contrôler l'infection par le VIH. C'est un concept qui a déjà été tenté dans le traitement du cancer, en particulier du mélanome, sans résultats jusqu'à présent ; il est également en cours d'analyse dans un autre essai randomisé financé par l'Agence nationale de recherche sur le Sida (ANRS), qui devrait être publié en janvier 2005. Il faut tout d'abord prélever dans le sang de chacun des dix-huit volontaires le virus lui-même mais aussi les globules blancs. Il faut ensuite, à chaque fois et pour chaque malade, trier, sélectionner les cellules monocytaires dendritiques du sujet à vacciner. Le virus extrait du sang est alors inactivé au moyen d'un produit chimique viricide (l'adrithiol 2) ; puis il est introduit dans les cellules dendritiques isolées du même sujet. Il est important de comprendre que ce vaccin, qui utilise exactement le même virus qui a contaminé le volontaire infecté, n'est pas dangereux pour ce dernier. Aucune surcontamination, ni activation virale n'est observée. Lorsque les cellules dendritiques chargées de particules virales sont réinjectées, elles vont aller présenter les antigènes du virus qu'elles contiennent aux autres cellules lymphocytaires. Celles-ci déclencheront secondairement une réponse de destruction des cellules infectées par le VIH. Ce concept avait été testé avec succès par les chercheurs français, avec une souche virale du virus du sida simien (SIV) sur des macaques : le vaccin avait provoqué une suppression virale en l'absence de tout autre traitement, deux mois après l'infection expérimentale avec le virus SIV mac 251. Ces travaux avaient également été acceptés dans la même revue Nature Medicine en décembre 2002. Et c'est ce résultat encourageant qui avait décidé le professeur Andrieu à passer à cet essai humain approuvé par le Comité national d'éthique du ministère de la santé du Brésil. Ainsi, huit des dix-huit volontaires qui ont recu trois séries de quatre injections du vaccin ont vu leur charge virale diminuer de plus de 90% pendant 112 jours ; les autres sujets n'ont eu qu'une baisse modérée et transitoire de leur nombre de virus. Les huit sujets chez qui le virus avait disparu, avaient encore, au 224e jour de l'essai, une concentration plus faible que les autres sujets, mais le virus est réapparu au 357e jour de la surveillance. Par ailleurs, la moyenne des participants a eu une augmentation significative de la concentration en lymphocytes «tueurs» CD4 entre le 28e et le 112e jour, mais, fugace, celle-ci a rediminué ensuite... Les auteurs l'admettent : «L'efficacité d'un tel vaccin thérapeutique ne sera définitivement prouvée que grâce à un essai randomisé, avec un groupe de sujets contrôles» n'ayant pas reçu le vaccin. En effet, les fluctuations naturelles au cours du temps de la charge virale, chez un sujet «naïf» sans traitement, ou chez un «non-progresseur» peuvent à eux seuls expliquer cet apparent bon résultat. A suivre... (1) Nature Medicine appartient au groupe britannique Nature Publishing Group.