Annonce Shirley Horn, chanteuse et pianiste de jazz américaine Au premier rang des chanteuses de jazz, il y a la trinité sacrée : Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan et Billie Holiday. Swing, classe, tragédie. Et pour tout honnête amateur il est convenu que, légèrement en dessous, font aussi partie de l'Histoire Dinah Washington, Carmen McRae, Betty Carter ou Shirley Horn, morte jeudi 20 octobre, à Washington, à l'âge de 71 ans, révélée au grand public au milieu des années 1980. La chanteuse et pianiste américaine était soignée depuis plusieurs années pour un diabète et, à la suite de l'amputation d'un pied, elle devait se déplacer en chaise roulante. Née le 1er mai 1934 à Washington, Shirley Horn n'a quasiment jamais quitté la capitale américaine et ses environs, en dehors des périodes de tournées ou d'enregistrements. Définitivement washingtonienne, comme le soulignait Paul Benkimoun dans le portrait qu'il lui a consacré (Le Monde du 15 mars 2001). Elle s'était mise volontairement en retrait, après un petit début de carrière, dans les années 1960, pour s'occuper de sa fille, vivre une vie de famille, "comme tout le monde", disait-elle de sa voix grave, avec dans le ton comme un étonnement que cela ne soit pas le souhait de tout un chacun. LE PARRAINAGE DE MILES DAVIS Elevée dans une famille noire de la classe moyenne, elle apprend le piano dès l'âge de 4 ans. Ne pouvant, pour des raisons financières, entrer à la Julliard School de New York, la plus réputée des écoles de musique, où elle avait été acceptée, Shirley Horn fera son apprentissage de musicienne à la Howard University de Washington. Dès 1954, à l'âge de 20 ans, elle dirige son propre trio. Elle devient alors une gloire locale, jouant dans les clubs, dont celui dont elle assure la direction, The Place Where Louis Dwell. Les musiciens de passage apprécient son chant, déjà marqué par une manière d'étirer les mots dans les ballades, de jouer avec la respiration pour faire évoluer le tempo. Elle enregistre, en 1961, l'album Embers and Ashes pour le label Stereo-Craft. C'est avec cet album que la légende de la découverte de la chanteuse par Miles Davis va naître. Le trompettiste aime ce qu'il entend. Il insiste auprès de Max Gordon, le patron du Village Vanguard, à New York, pour qu'elle joue en première partie de ses concerts. Ce parrainage attire l'attention et permet à la chanteuse et pianiste de signer un contrat avec la compagnie phonographique Mercury, pour qui elle enregistre quelques albums dont Horn With Horns, en 1963, avec des arrangements de Billy Byers, Thad Jones, Don Sebesky et Quincy Jones. Au milieu des années 1960, elle rentre à la maison. Sa "vraie" vie qui l'attend. En 1978, alors que personne n'évoquait plus son rapide passage sous les feux de la rampe, la compagnie phonographique danoise SteepleChase lui propose d'enregistrer avec le contrebassiste Buster Williams et le batteur Billy Hart. Ce sera le disque A Lazy Afternoon, qui pose, à nouveau, les bases du style Horn. Répertoire de standards, ambiance feutrée, sans ornementation ni acrobaties gratuites, émotion vocale avec ce timbre un peu rauque, cette capacité à quasiment parler la chanson en lui conservant un swing subtil. Elle est au prestigieux Jazz Festival de La Haye, aux Pays-Bas, en 1981, puis son "comeback" et son exposition au grand public se feront avec l'album I Thought About You, enregistré en public au Hollywood's Vine Street Bar and Grill (1987) puis Close Enough For Love (1988), tous deux pour la compagnie américaine Verve. Suivront une dizaine d'enregistrements, dont l'un consacré à Ray Charles (1991) et l'autre à Miles Davis (1993).