Record Sergueï Krikalev en tête dans les étoiles Le cosmonaute russe détient le record de vie cumulée dans l'espace avec 800 jours. Huit cents jours ! C'est le record de durée de vie cumulée dans l'espace que détient Sergueï Constantinovitch Krikalev depuis son retour sur Terre, prévu ce matin. Sergueï, le cosmonaute paradoxal. Antihéros revendiqué, et pourtant filmé, portraituré, décoré sous toutes les coutures (par les gouvernements soviétique, russe, américain et français) et porté aux nues par ses collègues. Marathonien. Plus belle gueule d'ange du club des 430 astronautes, grand, brun, longiligne, un visage presque trop parfait (1), le Russe crevait l'écran dans Out of the Present (2). Courant tel un marathonien sur son tapis roulant, enfourchant un aspirateur pour une scène inspirée du Docteur Folamour, croisant une cosmonette en nuisette rose, répondant par un long silence éloquent au journaliste qui, depuis le centre de contrôle moscovite, lui demande ce qu'il pense de l'éviction de Gorbatchev par Boris Eltsine... Sergueï a donné de la profondeur psychologique au rôle du héros en scaphandre. Un rôle qu'il récuse. Difficile d'imaginer plus fort contraste entre le mythe du cosmonaute héroïque et l'honnête travailleur du cosmos qu'il incarne. Sergueï, 46 ans, n'est pas pilote de chasse, mais ingénieur. Sergueï a commencé sa carrière en mettant au point les procédures pour récupérer la station Salyout 7 tombée en rade. Sergueï ne fait pas dans la phrase historique, ne pète pas les plombs en se mettant en quête de l'arche de Noé tel Jim Irwin au retour de la Lune. Sergueï a enfilé sept fois son scaphandre pour sortir de son vaisseau et flotter dans le noir, filant à 8 km/s au-dessus de la Terre, l'expérience la plus radicale que l'on puisse imaginer. Mais, lorsqu'on en évoque le danger, il rétorque que traverser la rue aussi est risqué. Plus capé, on ne fait pas. Six vols, en Soyouz russe, en navette américaine. Des séjours de longue durée à bord de Mir dont celui de 311 jours en 1991-1992 au moment où l'URSS explosait puis de la Station spatiale internationale, dont il a été membre du premier équipage permanent en octobre 2000. Santé. Il a tout croisé là-haut. Du Russe, bien sûr, de l'Américain, du Français (Jean-Loup Chrétien), du Japonais, du Britannique (une femme) et même du touriste Dennis Tito, premier du genre à avoir payé de ses deniers sa place en Soyouz. Sergueï a surtout montré que l'homme pouvait travailler longtemps en apesanteur sans perdre ni sa santé physique ni son acuité mentale à la différence de prédécesseurs qui, au retour sur Terre, ont sombré dans le mysticisme ou la vodka. Gagarine démontra par l'expérience que l'on pouvait aller faire un petit tour dans l'espace. Krikalev démontre que des astronautes de sa trempe peuvent songer à séjourner longtemps sur la Lune ou envisager le voyage vers Mars.