Victoire Sébastien Loeb remporte son troisième Monte-Carlo La première épreuve de la saison marquée par l'irresponsabilité de quelques spectateurs. Monaco de notre envoyé spécial La singularité des rallyes serait-elle de transformer certains spectateurs en assassins potentiels ? En Grèce, il n'est pas rare que des pierres tranchantes soient déposées sur la piste pour pimenter la course. Au Monte-Carlo, la spécialité consiste à déverser de la neige sur la route, à l'insu des concurrents. La 73e édition du plus ancien des rallyes, qui s'est achevée, dimanche 23 janvier, par la victoire écrasante du Français Sébastien Loeb (Citroën Xsara), n'a pas fait exception. Sérieux candidats aux places d'honneur, finalement décrochées par le Finlandais Toni Gardemeister (Ford Focus) et le Français Gilles Panizzi (Mitsubishi), le vice-champion du monde norvégien Petter Solberg (Subaru) et le Finlandais Marcus Grönholm (Peugeot) l'ont appris à leurs dépens. A quelques heures de l'arrivée, lors de la 12e spéciale reliant La Bollène-Vésubie à Sospel, ils quittaient brutalement la route. "Vous ne pouvez rien faire. La voiture part tout droit, confirme Marcus Gronholm. Je venais de passer le col du Turini, humide mais sans traces de neige ou verglas, bien dégagé. Et j'ai attaqué la descente vers le Moulinet. Dans un virage à droite serré, je me suis retrouvé face à une couche de neige déposée par les spectateurs." Le pilote Peugeot ne pouvait éviter un rocher et endommageait sérieusement la suspension de sa 307 WRC. Il regagnait l'assistance sur trois roues, "et dans les temps", insistait-il. PLAQUES DE NEIGE Peu avant lui, au même endroit, Petter Solberg était contraint à l'abandon. Sébastien Loeb, lui, pouvait se féliciter de sa popularité. "J'ai eu la chance, avouait-il. Des spectateurs m'ont fait signe de ralentir parce qu'ils avaient vu les deux autres sortir avant moi. Quand j'attaque en pneus slicks, sans savoir qu'il y a de la neige à un endroit, je peux arriver dans un virage à 120 km/h ou 110 km/h si je suis prudent, explique Sébastien Loeb. Avec de la neige, il faut au maximum rentrer à 30km/h !" Le champion du monde en titre et triple vainqueur consécutif du Monte-Carlo avait demandé à ses ouvreurs d'anticiper ce type de danger. Leurs mentions ont été indiquées sur les notes exploitées par son copilote, Daniel Elena. "Je savais que, dans ces parties-là, j'allais être beaucoup plus méfiant", affirmait l'Alsacien. Si des spectateurs déposent de la neige avant le passage des ouvreurs, ce n'est pas "très, très grave, poursuit le pilote français, parce que ceux-ci sont là pour vérifier l'état des routes. Ce qui peut être très dangereux, c'est quand la neige est déposée entre le passage des ouvreurs et nous. Là, c'est vraiment jouer avec la vie des gens. Guy Fréquelin n'a pas cessé de me mettre en garde à propos du Turini. J'y suis vraiment allé sur la défensive." Le directeur de Citroën-Sport, ancien pilote de rallyes, se souvenait trop bien des déconvenues de Gérard Larrousse et Jean-Luc Thérier au Monte-Carlo. Respectivement leaders de l'épreuve, en 1969 et 1981, à quelques kilomètres de l'arrivée, ils étaient sortis de la route à cause de plaques de neige répandues sur la route. "On ne peut pas mettre un gendarme derrière chaque spectateur, affirme René Clerissi, vice-président de l'Automobile-Club de Monaco (ACM), organisateur de l'épreuve. Nous avons déjà près de 200 personnes chargées de la surveillance du public." Ne pourrait-il exister un arsenal réglementaire pour sanctionner ce type de gestes ? "Chaque commune est maîtresse de ses routes, cela serait extrêmement compliqué. On subit ces comportements qui existent depuis toujours", poursuit, fataliste, René Clerissi. Et de rappeler l'époque de la lutte entre les Alpine Renault et les Lancia dans les années 1960, lorsque les supporteurs français et italiens s'affrontaient à coups de boules de neige sur le Turini.