Scandale Scandale en Espagne autour d'un musée à la mémoire d'un maréchal marocain L'inauguration d'un musée privé à la mémoire du maréchal Mohamed Améziane, ancien ambassadeur du Maroc en Espagne, le 27 mai, à Beni Anzar, au nord du royaume chérifien, se révèle embarrassante pour le gouvernement espagnol. Ce jour-là, raconte El Pais, autour des descendants du diplomate décédé en 1975, se pressent des officiels, dont l'ambassadeur d'Espagne au Maroc et le commandant général de Melilla - l'une des enclaves espagnoles, avec Ceuta, au Maroc. On vante les mérites du maréchal. On encense le "symbole de la fraternité d'armes hispano-marocaine" qu'il fut. Tout le monde acquiesce. L'ennui, c'est que la fraternité d'armes dont peut se prévaloir cette figure historique n'est pas des plus recommandables. Formé à l'Académie de Tolède, Mohamed Améziane participe en 1921 à la guerre du Rif contre Abdelkrim, au cours de laquelle il fait la connaissance du général Franco. Promu colonel de l'armée espagnole, Améziane est l'un des premiers officiers supérieurs à mettre ses hommes au service du futur "caudillo" contre la République en juillet 1936. Lorsqu'elles pénètrent dans Tolède, en septembre, les troupes placées sous ses ordres envahissent un hôpital et achèvent à coups de grenades des centaines de républicains. Une autre fois, il livre à ses hommes deux jeunes filles, lançant au journaliste américain John Whitaker, qui, horrifié, assiste à la scène, un apaisant : "Oh, elles ne vivront pas plus de quatre heures." En remerciement de ses services, Franco lui décernera le grade le plus élevé de l'armée, capitaine général, avant de le nommer commandant général de Ceuta, capitaine général de Galice puis capitaine général des Canaries. C'est alors que le roi Mohammed V fait appel à lui, en 1956. Mohamed Améziane rentre au Maroc tout juste indépendant pour y organiser l'armée qu'il met à l'épreuve quelques mois plus tard en lui faisant réprimer un soulèvement dans le nord du royaume, où périrent des milliers de Marocains. Sa carrière s'est achevée dans les honneurs puisqu'il fut nommé ambassadeur en Espagne. La participation d'officiels à l'hommage rendu à ce personnage a scandalisé la gauche espagnole. Le groupe parlementaire socialiste lui-même s'est ému, et Carmen Hermosin, présidente (PSOE) de la commission de l'intérieur, a demandé des explications au chef de la diplomatie, Miguel Angel Moratinos. Elle a peu de chances d'en obtenir. L'ambassadeur d'Espagne "a été invité par les autorités marocaines. Il y est allé, un point c'est tout", a lancé aux journalistes M. Moratinos. Au Maroc aussi, l'hommage rendu au maréchal suscite des remous. Un rassemblement de protestation a eu lieu à Nador, et si les partis politiques n'osent pas critiquer celui qui fut un serviteur zélé de la monarchie, plusieurs journaux n'ont pas hésité à dénoncer "l'humiliation" que représente l'ouverture du musée. Dans un éditorial, Le Journal note que la présence d'officiels espagnols est "révélatrice de la "chiraquisation" de la politique étrangère espagnole". Une allusion à la volonté de M. Moratinos de se rapprocher de la monarchie marocaine.